Une empreinte digitale en échange d'un livre scolaire ou d'un repas à la cantine? C'est ce que proposent des centaines d'écoles en Angleterre, où les données biométriques sont de plus en plus utilisées pour permettre l'accès à leurs services. Indignés, plusieurs parents dénoncent le fait que les données de leurs enfants ont été prélevées, souvent sans leur consentement.

Lorsque Stephen Ingram a reçu une lettre de l'école secondaire de Blacon, dans le nord de l'Angleterre, pour l'informer que les empreintes digitales de son fils seraient prélevées dans les jours suivants pour l'accès à la cafétéria, il s'est empressé de refuser. «La biométrie n'a pas sa place dans les écoles», dénonce-t-il.

D'autres parents, moins chanceux, ont appris trop tard que leurs enfants fréquentant la même école avaient déjà été enrôlés dans le système biométrique. Dans la presse locale, ils ont qualifié la biométrie de «mesure disproportionnée» et «digne de la société de surveillance décrite par George Orwell» dans son célèbre roman 1984.

L'incident est loin d'être unique. Dans son enquête menée dans les écoles secondaires anglaises, Big Brother Watch, groupe britannique de défense des libertés civiles, estime que plus de 800 000 élèves ont eu leurs empreintes digitales enregistrées au cours de l'année scolaire 2012-2013. Pire encore, dans le tiers des cas, les parents n'ont jamais été consultés.

Une réalité qui inquiète Nick Pickles, directeur du groupe: «C'est toute une génération d'enfants qui grandit avec l'idée qu'il est normal d'être traqué en tout temps. Aller à l'école ne devrait pas signifier perdre sa vie privée, surtout à une époque où nous partageons plus de données personnelles que jamais.»

Manque de transparence



En 2005, Pippa King a remarqué une borne biométrique fraîchement installée à l'entrée de la bibliothèque de l'école primaire de Hull, dans le nord-est de l'Angleterre. La direction s'apprêtait à prélever les empreintes digitales de ses enfants (alors âgés de 6 et 7 ans) pour leur permettre d'emprunter des livres scolaires.

«Depuis presque une décennie, la biométrie s'infiltre en silence dans les écoles anglaises, accuse-t-elle. À l'époque, j'ai été dégoûtée d'apprendre que sur le plan légal, l'école n'avait pas besoin de mon consentement avant de prélever les empreintes digitales de mes enfants.»

Le lendemain, cette mère entamait une campagne d'information contre le manque de transparence des établissements scolaires. «Les écoles nous promettent que les informations biométriques de nos enfants ne sont pas utilisées à l'extérieur de leurs murs, mais nous savons que les policiers peuvent accéder à leurs bases de données pour prévenir les crimes. Nos enfants ne sont pas des criminels!»

La bataille a porté ses fruits. En septembre dernier, le gouvernement britannique a renforcé l'encadrement de la biométrie dans les écoles, les obligeant désormais à demander le consentement écrit des deux parents avant de prélever les informations biométriques d'un enfant. En cas de refus, l'établissement doit offrir une solution de rechange.

Informations mal protégées



«Si les données personnelles tombent entre de mauvaises mains, ça peut avoir de graves conséquences pour les personnes concernées, dit Sandra Leaton-Gray. «Les écoles [qui gèrent chacune leur propre registre] n'ont pas les capacités techniques pour protéger efficacement les informations», soulève la professeure à l'Université de Londres.

Elle ajoute: «En voulant se donner un aspect plus moderne et technologique, les écoles sont les victimes des vendeurs de bornes biométriques qui cherchent surtout à s'enrichir.»

Sur le site Mumsnet.com, une plate-forme de discussion pour les parents britanniques, les opinions concernant la biométrie dans les écoles sont polarisées.Pour plusieurs parents, les empreintes digitales sont uniquement utilisées pour réduire les files d'attente à la cantine et faciliter le quotidien des écoliers qui, trop souvent, égarent leur argent.

Nombre minimum d'élèves du secondaire dont les empreintes digitales ont été prélevées