N'en déplaise aux républicains, qui l'ont trouvé condescendant, voire grossier, Joe Biden peut dire mission accomplie. En dominant par sa verve et sa pugnacité le débat entre les candidats à la vice-présidence tenu jeudi soir au Kentucky, il a réussi à requinquer les démocrates, qui étaient plutôt déprimés depuis le débat raté de Barack Obama à Denver.

«Biden pétait le feu. Il était familier, parfois sarcastique, toujours éveillé. Il a ri beaucoup et n'a rien laissé passer», a écrit le commentateur progressiste E.J. Dionne sur le site internet du Washington Post après le débat.

Les républicains fulminent

«Je suis certain que les applaudissements dans les salons démocrates du pays étaient aussi bruyants que les soupirs de soulagement. Cette réaction était cruciale pour Obama. Les démocrates démoralisés ont eux-mêmes contribué à prolonger l'histoire de l'échec d'Obama lors du premier débat. Les jours de déprime sont terminés», a-t-il ajouté.

Et ceux de la colère ont commencé pour les républicains, qui ont vivement dénoncé le comportement de Joe Biden devant Paul Ryan. Le vice-président a coupé la parole à son rival à plusieurs reprises, esquissé des sourires condescendants ou éclaté de rire, roulé des yeux et levé les bras au ciel.

Le débat venait à peine de prendre fin que le Comité national du Parti républicain avait diffusé une vidéo montrant le vice-président en train de rire pendant que le représentant du Wisconsin parlait sur un ton sérieux de l'Iran et du chômage. «Biden se bidonne, et vous?», demandait la vidéo.

Le lendemain matin, Ed Gillepsie, un des principaux conseillers de Mitt Romney, a poursuivi dans la même veine sur Fox News. «Ce sont des questions très sérieuses et je laisserai aux Américains le soin de juger le vice-président à l'aune de ses expressions faciales. Je pense que c'était irrespectueux à l'égard du peuple américain», a-t-il dit.

Sondages

Le camp de Barack Obama a interprété les critiques des républicains sur le style de Joe Biden comme une admission de la défaite de Paul Ryan sur le fond. Un sondage publié par CBS et réalisé auprès d'électeurs indécis indique que 50% d'entre eux ont pensé que Joe Biden avait gagné; seuls 31% en ont dit autant de son adversaire.

Une enquête menée par CNN auprès d'électeurs démocrates, républicains et indépendants a cependant révélé que 48% d'entre eux ont donné la victoire au représentant du Wisconsin et 44% au vice-président.

Au-delà des critiques républicaines et des sondages médiatiques, les démocrates ont savouré en particulier la sortie de Joe Biden contre les propos méprisants de Mitt Romney sur les «47% d'Américains qui ne paient pas d'impôts» et qui ont une mentalité de «victimes».

«Ces gens sont mon père, ma mère. Ce sont les soldats qui risquent leur vie, les familles qui souffrent de la récession. Est-ce normal que Mitt Romney, qui gagne des millions de dollars par an, ait un taux d'imposition plus faible qu'une famille qui gagne 50 000$ par an?», s'est indigné le vice-président vers la fin du débat.

Les républicains, de leur côté, ont surtout retenu une déclaration de Joe Biden en réponse aux critiques de Paul Ryan sur le manque de sécurité au consulat des États-Unis de Benghazi avant l'attaque qui a coûté la vie à quatre Américains, dont l'ambassadeur Christopher Stevens.

«Nous n'avons jamais été informés qu'ils voulaient encore plus de sécurité», a déclaré le vice-président en faisant allusion aux demandes des militaires présents en Libye pour davantage de moyens.

Mitt Romney a accusé Joe Biden, hier matin, d'avoir «directement contredit le témoignage sous serment de responsables du département d'État». «Il en rajoute une couche côté déni», a-t-il lancé.

La Maison-Blanche a affirmé que les demandes reçues par le département d'État n'avaient été transmises ni au président ni au vice-président. Quoi qu'il en soit, ce sujet reviendra sans doute sur le tapis au cours des deux derniers débats présidentiels, qui auront lieu les 16 et 22 octobre.

Après avoir perdu son statut de favori dans la course à la Maison-Blanche, Barack Obama ne peut guère se permettre une autre contre-performance. Ses partisans espèrent sans doute que la combativité de Joe Biden l'inspirera.