Le médecin qui pratique l'avortement pourrait être accusé de meurtre, de même que la femme qui avale la pilule du lendemain ou le technicien qui détruit des embryons surnuméraires dans une clinique de fertilité.

Telles pourraient être, en théorie, quelques-unes des conséquences du référendum d'initiative populaire qui sera tenu demain au Mississippi. Les électeurs de cet État, le plus conservateur et religieux du Sud américain, sont appelés à approuver ou à rejeter un amendement constitutionnel qui stipulerait que «tout être humain» doit être reconnu comme une «personne» dès «le moment de la fécondation».

Le référendum, qui est susceptible de changer les termes du débat sur l'avortement aux États-Unis, n'oppose pas seulement les défenseurs et les adversaires du droit à l'interruption volontaire de grossesse, il divise également le camp pro-vie. L'Église catholique, par exemple, invite les électeurs du Mississippi à rejeter l'amendement à la Constitution de leur État, estimant qu'un oui «pourrait nuire aux efforts pour renverser Roe contre Wade», arrêt de la Cour suprême des États-Unis légalisant l'avortement.

Qu'à cela ne tienne, l'amendement a de fortes chances de passer dans un État où le Parti républicain n'a pas le monopole de l'hostilité à l'égard de l'avortement. Ainsi, le candidat démocrate au poste de gouverneur du Mississippi ne s'oppose pas à la reconnaissance de l'embryon, même s'il s'inquiète des conséquences imprévues qui pourraient en résulter.

Le Mississippi n'est pas le premier État à tenir un tel référendum. Le Colorado a déjà rejeté à deux reprises - en 2008 et en 2010 - un amendement qui aurait conféré le statut de personne à l'embryon. Cet État a vu naître il y a trois ans l'organisation Personhood USA, qui milite pour la tenue de référendums comme celui du Mississippi. Un succès pourrait aider les promoteurs de consultations semblables dans une demi-douzaine d'autres États.

«Si une majorité d'États reconnaît l'enfant à naître comme une personne, l'arrêt Roe contre Wade s'écroulera, dit Rebecca Kiessling, porte-parole de Personhood USA. Voilà pourquoi nous devons appuyer la reconnaissance de l'embryon d'un État à l'autre.»

Avocate et conférencière populaire auprès des groupes antiavortement, Kiessling est l'auteure de Conceived in Rape, un livre qui raconte le viol de sa mère dont elle est le fruit.

Au Mississippi, le promoteur principal du référendum sur la reconnaissance de l'embryon a un parcours tout aussi singulier. Les Riley, père de 10 enfants et vendeur de tracteurs, est non seulement connu pour son opposition acharnée à l'avortement, mais également pour son rôle au sein d'un groupe sécessionniste qui a cherché à fonder un État théocratique en Caroline-du-Sud.

Comme la plupart des partisans de la reconnaissance de l'embryon, Les Riley se montre critique de l'approche du mouvement antiavortement traditionnel, approche qui consiste à rendre l'accès à l'avortement toujours plus difficile en attendant qu'une majorité de juges à la Cour suprême ne casse la décision «Roe contre Wade».

Plusieurs militants antiavortement traditionnels sont persuadés que les tribunaux déclareront inconstitutionnel l'amendement proposé dans le cadre du référendum au Mississippi. De tels verdicts, confirmés en appel, finiraient selon eux par renforcer leurs adversaires plutôt que de les affaiblir.

Le vote du Mississippi n'alarme pas moins les défenseurs du droit à l'avortement. Au cours des dernières semaines, ils ont sillonné l'État, cognant aux portes, distribuant des dépliants et soulevant des questions qui s'ajoutent aux scénarios inquiétants évoqués au début de cet article.

Qu'arriverait-il à une femme enceinte qui perdrait son foetus à la suite d'une chimiothérapie? Pourrait-elle être accusée de meurtre involontaire?

Ces questions, et plusieurs autres du même genre, font partie d'une campagne de peur, selon les promoteurs de l'amendement du Mississippi. Ceux-ci font confiance au bon sens des parlementaires de l'État, à qui incomberait la responsabilité d'écrire les textes de loi découlant de l'amendement constitutionnel.

Bon sens? Hum...