«J'espère que Michael Bloomberg a raison!»

Emily Turonis, étudiante et militante de 23 ans, n'a rien en commun avec le maire milliardaire de New York. Samedi, elle a participé au défilé organisé par le mouvement Occupy Wall Street, qui tente depuis un peu plus d'une semaine de transformer un parc du quartier financier de New York en place Tahrir, où les opposants du président égyptien Hosni Moubarak ont campé jusqu'à son départ du pouvoir.

Mais la jeune New-Yorkaise désire ardemment qu'une prédiction récente de son richissime concitoyen devienne réalité: si Washington ne parvient pas à améliorer rapidement la situation de l'emploi, il y aura des «émeutes» dans les rues de New York.

«Nous avons beaucoup de jeunes diplômés universitaires qui ne peuvent pas trouver d'emploi», a déclaré Michael Bloomberg lors de son émission radiophonique hebdomadaire. «C'est ce qui est arrivé au Caire. C'est ce qui est arrivé à Madrid.»

Ce n'est évidemment pas encore arrivé à New York, même si la police a arrêté au moins 80 protestataires parmi les centaines qui ont défilé samedi dans les rues du sud de Manhattan, les accusant pour la plupart d'entrave à la circulation et de résistance.

Colère palpable

Mais la colère des «indignés» de Wall Street est palpable.

«Nous voulons mettre fin à l'influence de l'argent et des grandes sociétés sur la politique. Nous voulons mettre fin à l'écart obscène des revenus», a déclaré Emily Turonis en marchant parmi la foule de manifestants qui brandissaient des affiches sur lesquelles on pouvait notamment lire: «À bas l'avarice»; «Éliminons la Fed»; «Des emplois, pas des coupes».

«Le gouvernement et les grandes entreprises sont en train de détruire la classe moyenne», a déclaré un autre manifestant, Jeffrey Goldstein. «J'aurais bien voulu aimer Obama, mais il n'a pas prononcé le mot «pauvreté» une seule fois lors de son dernier discours sur l'état de l'Union», a ajouté ce New-Yorkais de 60 ans pendant que les protestataires scandaient des slogans.

«Les banques ont été sauvées, nous avons été vendus», ont-ils répété à plusieurs reprises. Ou encore: «Occupons Wall Street, toute la journée, toute la semaine.»

Débuts modestes

Il reste à voir si Occupy Wall Street survivra à des débuts plutôt modestes et à des demandes encore floues. Lancé par le magazine en ligne Adbusters, ce «mouvement de résistance sans leader» devait attirer des milliers de personnes le samedi 17 septembre pour le début d'une «occupation» de Wall Street, siège du New York Stock Exchange.

Quelques centaines de personnes seulement ont répondu à l'appel. Et l'accès de Wall Street leur ayant été interdit par la police, ils ont dû installer leur campement au parc Zuccotti, situé à un jet de pierre de la Bourse de New York. Plusieurs d'entre eux y ont passé la semaine.

«Nous ne savons pas combien de temps cela prendra, mais nous resterons ici aussi longtemps qu'il le faudra pour définir nos demandes, maintenir notre campement pacifique et aider à changer la culture de Wall Street», a déclaré Justin Wedes, un des responsables du comité «médias» du campement.

Entouré d'ordinateurs Apple et Dell, le jeune New-Yorkais de 25 ans a expliqué que le mouvement Occupy Wall Street tenterait d'arriver «par consensus» à une série de demandes.

«Soyez patients», a-t-il recommandé.

Lors de la première semaine de l'occupation de Wall Street, plusieurs médias ont fixé leur attention sur une manifestante qui a pris l'habitude de dévoiler «la vérité nue» aux passants, un message qu'elle a inscrit sur sa poitrine dénudée.

Michael Moore

Certains des passants n'ont pas manqué samedi de se moquer des «indignés», dont plusieurs auraient sans doute besoin de se doucher.

«Je suis venu voir ce que sent la démocratie», a déclaré d'un air dédaigneux un homme qui portait un t-shirt avec la photo de la couverture d'un roman d'Ayn Rand, papesse du laisser-faire en matière économique.

Mais les «indignés» de Wall Street comptent au moins sur l'appui de Michael Moore, qui a salué vendredi leur occupation lors de l'émission de Keith Olbermann sur la chaîne Current TV.

«C'est la toute première tentative depuis le krach de 2008 de prendre vraiment position contre Wall Street, et c'est puissant», a déclaré le documentariste, en accusant les grandes banques d'avoir transformé la démocratie américaine en «kleptocratie». «Et même s'il n'y a encore que des centaines de manifestants, je pense que cela va croître. Pas seulement à Wall Street, mais dans des communautés à la grandeur des États-Unis.»