Emboîtant le pas au milliardaire américain Warren Buffett, de riches Français issus de familles politiques opposées demandent de payer plus d'impôts pour aider à renflouer les coffres de l'État.

L'impulsion de ce mouvement embryonnaire est venue de la publication lundi dans le New York Times d'une lettre ouverte de M. Buffett, qui dénonce le fait que les plus riches Américains réussissent grâce à une série d'exemptions à payer un taux d'imposition plus faible que la moyenne.

L'auteur se donne en exemple, relevant qu'il n'a payé l'année dernière en impôts que l'équivalent de 17% de son revenu imposable alors que les personnes travaillant dans sa société d'investissement ont payé un taux moyen de 36%.

«Mes amis et moi avons été cajolés depuis trop longtemps par un Congrès très amical avec les milliardaires. C'est le temps pour le gouvernement de devenir sérieux dans le partage des sacrifices à faire (pour rétablir l'équilibre budgétaire)», relève M. Buffett.

Rebondissant sur son intervention, une chaîne de radio française a joint le millionnaire français Pierre Bergé en début de semaine pour lui demander s'il serait favorable à une contribution fiscale accrue des Français les plus nantis.

«Avec les niches fiscales, les gens les plus riches ne paient pas autant d'impôts que le reste de la population française», a déploré l'homme de gauche, qui est devenu l'année dernière l'un des copropriétaires du quotidien Le Monde.

Dans la même veine, le président de l'Association française des entreprises privées (AFEP), Maurice Lévy, a réclamé mardi dans une lettre ouverte que le gouvernement impose une «contribution exceptionnelle des plus riches, des plus favorisés, des nantis».

«Il semblera peut-être curieux à certains de voir que le président de l'AFEP préconise une telle mesure, mais il me paraît indispensable que l'effort de solidarité passe d'abord par ceux que le sort a préservés», souligne cet homme d'affaires de droite lié au groupe Publicis.

«J'ai toujours considéré que la grande majorité des dirigeants méritaient leur rémunération, et pour certains plus encore. Mais je considère avec la même force qu'il est normal que nous, qui avons eu la chance de pouvoir réussir, de gagner de l'argent, jouions pleinement notre rôle de citoyens en participant à l'effort national», a relevé M. Lévy, qui réclame une réduction «brutale» et «immédiate» du déficit français.

Pierre Haski, de Rue89, soulignait hier en ligne que la volonté affichée par ces riches Français de mettre la main à la pâte n'est pas totalement désintéressée.

Le gouvernement français, note-t-il, devra annoncer sous peu des compressions budgétaires qui risquent de soulever de vives objections dans la population. Une partie de la frange la plus riche de la société française «n'est pas insensible au fait que le mécontentement ne visera sans doute pas seulement le gouvernement, mais aussi l'élite française dans son ensemble, et les plus favorisés en particulier», relève M. Haski.

Plusieurs économistes sont d'avis que le gouvernement français devra générer des économies de 10 milliards d'euros pour pouvoir respecter son objectif de réduction du déficit pour 2012.

La question est d'autant plus sensible que le pays a été secoué récemment par des rumeurs suggérant qu'il pourrait bientôt se voir retirer sa cote AAA par les grandes agences de notation.

En vue de rassurer les marchés et d'endiguer la crise de l'euro, le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont annoncé mardi une série de mesures visant à renforcer la cohésion économique des pays utilisateurs de la devise. Ils ont notamment évoqué l'idée d'instaurer une gouvernance économique européenne aux contours imprécis ainsi qu'une taxe sur les transactions financières depuis longtemps réclamée par les mouvements altermondialistes.