Quand Kieron Williamson sera grand, il veut devenir joueur de foot professionnel et artiste peintre. Dans le premier cas, il faudra attendre quelques années. Mais sa carrière artistique, elle, est plutôt bien lancée: à 9 ans, on le compare déjà à Claude Monet. Ses toiles de la campagne britannique attirent des collectionneurs du monde entier et se vendent jusqu'à 46 500$ pièce. Notre collaborateur est allé rencontrer ce phénomène.

«Dis, maman, on voulait jouer au foot après l'école, je peux rester encore un peu?»

Kieron Williamson, encore haletant, tient son sac d'école à la main. Il guette un signe positif de sa mère, qui lui demande finalement de rentrer à la maison. Sans l'ombre d'une protestation, pas même l'air déçu, il prend immédiatement le chemin du domicile familial avec sa petite soeur, Billie-Jo. Il salue d'un clin d'oeil plusieurs de ses camarades, attend que le feu passe au vert pour traverser la route, fait la course avec sa soeur jusqu'à la maison.

Ce charmant enfant de bientôt 9 ans, installé avec sa famille à Holt, village typique de l'est de l'Angleterre, est aujourd'hui devenu la coqueluche de la région. Depuis 3 ans, il dessine et peint, et ses 30 dernières oeuvres ont été vendues en novembre pour 250 000 livres (387 000$ CAN), soit une moyenne de 12 900$ chacune!

Jusqu'en mai 2008, Kieron n'avait montré aucun talent artistique particulier. «Je ne l'avais en fait jamais vu avec un pinceau ou un crayon de couleur à la main, contrairement à Billie-Jo, qui adore ça, dit Michelle, sa mère. Tout a commencé lors de vacances familiales en Cornouailles.»

Kieron, son père Keith et son grand-père se promenaient à la campagne le long de falaises vertigineuses.

«Un jour, il nous a demandé un cahier pour dessiner, se souvient Michelle. Nous étions surpris, car ce n'était pas du tout son genre. Son premier dessin ressemble à celui de n'importe quel enfant de son âge mais, pour nous, qui ne l'avions jamais vu dessiner, c'était épatant. D'autant plus que Kieron a continué pendant tout le séjour. Nous pensions qu'il dessinait par ennui et qu'il arrêterait à son retour à Holt, mais pas du tout: il a poursuivi au même rythme.»

Une amie du couple Williamson, peintre à ses heures, a proposé de donner chaque jour une heure de cours de dessin à Kieron, en qui elle dit avoir reconnu un sens aigu de la perspective. L'élan du petit garçon était confirmé - il ne devait plus s'arrêter.

Des paysages, mais pas de portraits

En janvier 2009, Kieron a entrepris de véritables cours - neuf leçons d'aquarelle et trois de peinture à l'huile. «C'était amusant de le voir au premier rang, sérieux, concentré pendant des heures, puis, aux pauses, partir en courant dans la cour, sauter dans la boue et dans la neige», raconte sa mère.

Appliqué, il répétait ensuite à la maison les exercices du cours et tentait d'améliorer les techniques qu'il venait d'apprendre. Sa progression fulgurante lui a bientôt permis de se lancer dans la peinture à l'huile. Ses thèmes principaux, en revanche, n'ont pas véritablement évolué: il peint des paysages impressionnistes de pleine campagne ou de rivages, comme la plupart des peintres locaux, par lesquels il est très influencé. «Mais pas de portraits de gens, car je ne sais pas encore bien les faire», admet-il.

Lorsqu'il regarde ses oeuvres de 2008 et même de 2009, Kieron fait pourtant la moue. «Elles ne sont pas terribles. Là, à la place de nuages, je vois surtout des blocs de couleur sans nuance et sans forme affinée.» Ah oui? «Et j'utilise plus de peinture pour la neige que sur le reste du paysage dans le tableau que je peins actuellement, car la vraie neige est multicolore et multiforme, et cette texture plus épaisse permettra de mieux rendre ces caractéristiques.»

Ces étonnants propos ne révèlent aucune suffisance ni prétention. Malgré l'attention démesurée que lui portent depuis deux ans les médias, qui le comparent au peintre français Claude Monet, Kieron est resté simple et naturel.

«C'est assez drôle que les gens achètent mes peintures, murmure-t-il. Ce ne sont quand même que des peintures d'un enfant de 8 ans...»

Un enfant de 8 ans qui a un objectif: devenir joueur de foot professionnel et peintre en même temps. «De toute manière, j'aurai le temps, car les joueurs de foot ne s'entraînent que deux heures par jour.» Il suit d'ailleurs intensément les résultats de l'équipe de Leeds, dont il adule les joueurs, mais il ne se limite pas à regarder les matchs à la télévision puisqu'il joue dans l'équipe de son école.

Pour le plaisir

Pour le moment, Kieron dit continuer à trouver un plaisir réel à la peinture. «Après l'école et un peu de foot avec les copains, je dessine un peu en semaine, en moyenne trois toiles. Je m'installe dans le salon pour les aquarelles et dans la cuisine pour les peintures à l'huile, pour ne pas salir la moquette. Le week-end, je me concentre plutôt sur les commandes que nous recevons. Quand nous n'en avons pas, je cherche à réaliser des tableaux de paysages que mon père a pris en photo ou que j'ai trouvés sur l'internet. Je peins quatre ou cinq oeuvres environ par week-end.»

Malgré cet extraordinaire emploi du temps, l'enfant reste attentif en classe: il a été l'un des rares promus dans la classe supérieure en mathématiques.

Ses parents, eux, tentent de s'adapter. En raison d'une grave blessure à la cheville, Keith a dû arrêter de pratiquer son métier d'électricien en 2007. Il se concentre depuis sur sa passion et est ainsi devenu collectionneur et marchand d'art de la région. Michelle n'a plus le temps de travailler comme nutritionniste, car elle a choisi de gérer les activités commerciales de son fils, dont l'ampleur les dépasse.

«Nous ne savons pas trop comment nous y prendre avec un enfant surdoué, avoue-t-elle. Déjà, nous ne l'avons jamais poussé à dessiner et il aurait donc pu passer à côté de son don. Mais maintenant, que faire pour l'encourager sans qu'il se lasse?»