Le conflit opposant la plus riche femme de France, Liliane Bettencourt, à sa fille unique, qui avait débouché l'année dernière sur une retentissante affaire d'État, vient de rebondir de plus belle.

Passant outre un protocole d'accord qui devait mettre fin à leur litige, Françoise Bettencourt-Meyers a déposé en début de semaine une requête devant un juge des tutelles, alléguant que l'entourage de l'héritière de L'Oréal cherche à profiter indûment de sa fortune.

La requête, dont le contenu a été rendu public par Le Monde, relève que «des inquiétudes sont apparues qui font craindre de nouvelles dérives contraires aux intérêts» de la femme de 88 ans.

Mme Bettencourt-Meyers dénonce un investissement récent de près de 150 millions de dollars de sa mère dans une entreprise spécialisée dans le jeu en ligne. Elle affirme que la transaction a été pilotée par l'avocat Pascal Wilhelm alors qu'il agissait à la fois comme avocat de l'entrepreneur concerné et comme mandataire des biens de Mme Bettencourt.

Tant Me Wilhelm que l'entrepreneur assurent qu'ils ont agi en toute transparence et avec le plein consentement de l'héritière de L'Oréal. Le bâtonnier de Paris a annoncé pour sa part l'ouverture d'une «enquête déontologique».

La saisie du juge des tutelles relance les spéculations sur l'état de santé de Liliane Bettencourt, qui souffre d'une «altération des capacités cognitives» et d'une «grave surdité» selon une ordonnance rendue en mars dernier. Le magistrat pourrait finalement décider de retirer le «mandat de protection» confié à Patrick Wilhelm pour désigner un tuteur de son choix.

Françoise Bettencourt-Meyers avait attiré l'attention du public en 2007 sur la situation de sa mère en portant plainte pour «abus de confiance» contre un dandy photographe qui s'était vu remettre plus d'un milliard d'euros de «dons» sous diverses formes. Elle avait parallèlement demandé la mise sous tutelle de sa mère, déclenchant une tempête de procédures.

Les deux femmes avaient annoncé publiquement leur réconciliation en décembre en dévoilant les grandes lignes d'un accord qui semble aujourd'hui compromis.

Liliane Bettencourt a indiqué cette semaine au Point qu'elle était «ulcérée et malheureuse» de l'initiative de sa fille. «C'est épouvantable ce qu'elle fait. Elle aura la monnaie de sa pièce, je ne peux pas me faire marcher dessus», a-t-elle déclaré.

Le conflit avait pris une portée politique importante l'année dernière après que Mediapart eut révélé le contenu d'enregistrements secrets effectués au domicile de l'héritière de L'Oréal par son ancien majordome.

Le contenu des bandes a débouché sur une série d'enquêtes visant notamment à définir si la famille Bettencourt a financé illégalement la campagne présidentielle de 2007 du président français Nicolas Sarkozy, une hypothèse démentie par le principal intéressé.

Le juge chargé de l'affaire s'est présenté en début de semaine à la résidence de Liliane Bettencourt pour contrôler son état de santé après que celle-ci eut évoqué des problèmes médicaux pour se soustraire à une convocation judiciaire.

La mère et la fille ont demandé récemment à un tribunal de Bordeaux d'empêcher l'utilisation en justice des enregistrements controversés. Une décision est attendue à ce sujet à la fin du mois de juin.