L'accusation, portée par divers ténors de la droite, ne date pas d'hier, mais elle prend de la force à l'approche de l'élection présidentielle de 2012: Barack Obama ne croit pas dans l'«exceptionnalisme américain».

La semaine dernière, deux jours après avoir annoncé sa candidature à la Maison-Blanche, Newt Gingrich a offert une variation sur ce thème lors d'un discours en Géorgie.

«Nous sommes à la croisée des chemins, a déclaré l'ancien président de la Chambre des représentants. Un chemin nous conduit à un système de protection sociale centralisé, bureaucratique et socialiste dans lequel des politiciens et des bureaucrates définissent l'avenir. L'autre chemin mène à une réaffirmation vigoureuse et fière de l'exceptionnalisme américain.»

«Assaut contre l'identité américaine»

Et comment la droite définit-elle aujourd'hui ce concept plutôt énervant vu de l'étranger? Il y a un peu plus d'un an, l'influente National Review a fourni une réponse à cette question, tout en accusant le président démocrate de mener un «assaut contre l'identité américaine».

«Notre pays a toujours été exceptionnel», ont écrit Richard Lowry et Ramesh Ponnuru, deux piliers de l'hebdomadaire fondé par William Buckley. «Il est plus libre, plus individualiste, plus démocratique, et plus ouvert et dynamique qu'aucune autre nation sur la terre. Ces qualités constituent notre héritage fondateur et culturel.»

Et le duo d'intellectuels d'enchaîner en reprenant l'antenne sur la mission unique des États-Unis dans le monde, qui est de servir de modèle et de défenseur de la liberté, «au moyen de la persuasion si possible et par la force des armes si nécessaire».

Déclarations dénoncées

Aux yeux de plusieurs commentateurs et politiciens conservateurs, Barack Obama a tourné le dos à l'exceptionnalisme américain non seulement dans ses politiques, mais également dans ses déclarations. Les critiques du président ont notamment fait grand cas d'une de ses réponses - ou plutôt du début d'une de ses réponses - lors d'une conférence de presse tenue à Strasbourg dans le cadre de sa première tournée diplomatique.

«Adhérez-vous, comme beaucoup de vos prédécesseurs, à l'école de l'exceptionnalisme américain qui considère l'Amérique comme seule qualifiée pour conduire le monde?», lui a demandé un journaliste du Financial Times.

Barack Obama a commencé sa réponse par cette phrase: «Je crois dans l'exceptionnalisme américain, exactement comme je suspecte que les Britanniques croient dans l'exceptionnalisme britannique et les Grecs croient dans l'exceptionnalisme grec.»

Au cours de la même tournée, le président avait également affirmé que les Américains étaient parfois «arrogants, dédaigneux et railleurs» à l'égard des Européens.

Attaques

Deux ans plus tard, presque tous les candidats républicains à la présidence, confirmés ou potentiels, ont attaqué Barack Obama pour son soi-disant refus de reconnaître l'exceptionnalisme américain.

«Il semble croire qu'il ne s'agit que d'un préjugé irrationnel en faveur de notre mode de vie. Pour moi, c'est épouvantable», a écrit l'ancienne gouverneure de l'Alaska Sarah Palin dans son dernier livre, intitulé America by Heart.

«Le président Obama ne comprend pas l'Amérique», a déclaré de son côté l'ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney, qui a défendu l'an dernier la «grandeur américaine» dans un livre intitulé No Apology.

Certains observateurs voient dans ces critiques non pas une attaque des orientations de Barack Obama, mais de sa personne elle-même. Il s'agirait d'une façon plus subtile que celle des birthers de dire que le président n'est pas 100% américain.

Stratège démocrate

Si tel est le cas, les candidats républicains suivraient l'approche proposée par le stratège Mark Penn à Hillary Clinton pendant la course à l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle de 2008. «Je ne peux imaginer l'Amérique élire, en temps de guerre, un président qui ne soit pas fondamentalement américain dans sa pensée et ses valeurs.»

L'ancienne sénatrice de New York avait refusé d'adopter les tactiques préconisées par son stratège pour mettre en cause l'«américanité» de Barack Obama.

Avec un peu d'effort ou de bonne volonté, la droite américaine n'aurait cependant pas de mal à trouver des exemples de discours où le président démocrate vante l'exceptionnalisme américain. Il l'a d'ailleurs fait dans le reste de sa fameuse réponse au journaliste du Financial Times.

Et il en a rajouté une couche récemment en justifiant l'intervention militaire en Libye.

«Certains pays peuvent fermer les yeux sur les atrocités à l'étranger. Pas les États-Unis d'Amérique», a-t-il déclaré.