La blague a fait rire Oprah Winfrey, Paul McCartney et les autres invités d'Hillary Clinton lors d'une réception tenue au département d'État à la veille des 33es honneurs du Kennedy Center, qui récompensent chaque année des artistes ou célébrités pour leur contribution à la culture américaine.

«C'est vraiment extraordinaire d'accueillir un aussi grand nombre de personnes talentueuses, a déclaré la secrétaire d'État américaine. Je vais écrire un câble à ce sujet, que vous pourrez sûrement lire bientôt sur le site web le plus proche.»

Il reste à savoir si la chef de la diplomatie américaine emploiera ce genre d'humour aujourd'hui à l'occasion de sa rencontre avec ses homologues canadien et mexicain à Wakefield, au Québec. L'ordre du jour devrait être dominé par des sujets sérieux, dont la situation postélectorale en Haïti, la sécurité nationale et le changement du climat.

Mais les ombres de Julian Assange et de WikiLeaks planeront sur cette rencontre trilatérale, comme c'est le cas pour chacune des rencontres diplomatiques d'Hillary Clinton depuis le début de la divulgation des câbles du département d'État américain par le site internet.

«Nous avons une pente à remonter pour convaincre nos alliés, dont le Canada, que nous pouvons assurer de la confidentialité des propos qu'ils nous tiennent en privé», explique Bruce Kuniholm, qui a travaillé au département d'État américain durant la présidence de Jimmy Carter et qui enseigne aujourd'hui à l'Université Duke en Caroline-du-Nord.

«Nous devons aller au-devant des gens et les convaincre que c'est le cas.»

Cela dit, Bruce Kuniholm ne croit pas que les fuites de WikiLeaks nuisent de façon majeure ou durable à la diplomatie américaine et à la stature d'Hillary Clinton.

«Les gens verront ce qu'ils voudront voir dans ces révélations, dit-il au cours d'un entretien téléphonique. Certaines personnes diront que ces documents illustrent bien la perfidie des États-Unis. D'autre diront que ceux-ci prouvent plutôt que les États-Unis mènent leur diplomatie de façon responsable et professionnelle et que leurs diplomates font ce que les diplomates doivent faire.»

Le document le plus controversé signé par Hillary Clinton et obtenu par WikiLeaks est sans doute cette directive sur «la collecte de renseignements humains» établie à la demande de la CIA et envoyée aux missions américaines auprès de l'ONU à New York, Vienne et Rome, ainsi qu'à 33 ambassades et consulats. Dans ce document, la secrétaire d'État encourage notamment les diplomates américains à récupérer des «empreintes digitales, des images du visage, de l'ADN et des scans des iris».

Dans un entretien publié par l'hebdomadaire Time, Julian Assange a déclaré qu'Hillary Clinton «devrait démissionner s'il peut être démontré qu'elle est derrière l'ordre donné aux responsables de la diplomatie américaine d'espionner au sein des Nations unies», un appel jugé «ridicule» par la Maison-Blanche.

Bruce Kuniholm, dont les recherches portent sur la sécurité nationale et sur la politique étrangère américaine au Proche-Orient, arrive à la même conclusion que la Maison-Blanche, voyant d'un bon oeil le travail accompli par Hillary Clinton depuis son arrivée au département d'État.

«Je pense qu'elle est une dirigeante très intelligente, ferme, capable et articulée, dit-elle. Sa faiblesse tient au fait que ses interlocuteurs étrangers savent qu'elle représente un pays dont la politique étrangère ne jouit plus d'un soutien bipartite comme dans le passé.»

Le professeur de Duke fait notamment référence aux difficultés de l'administration Obama à convaincre les républicains du Sénat de ratifier d'ici la fin de l'année le nouveau traité de désarmement START signé par les présidents américain et russe. Un échec dans ce dossier s'ajouterait au recul que représente la décision de Washington de renoncer à obtenir de la part d'Israël un nouveau moratoire sur les constructions dans les colonies juives en Cisjordanie.

Un recul pour lequel Bruce Kuniholm refuse de blâmer Hillary Clinton.

«Si l'on est honnête avec soi-même, il faut admettre que les chances d'un vrai progrès au Proche-Orient n'ont jamais été grandes. Mais une bonne politique étrangère nécessitait de faire au moins un effort, et je pense que c'est ce qu'Hillary Clinton a fait.»

En annonçant vendredi à Washington le changement de tactique de l'administration américaine pour ranimer le processus de paix, la secrétaire d'État a trouvé une nouvelle façon d'ironiser sur les fuites de WikiLeaks.

«Vous n'avez pas besoin de lire les télégrammes diplomatiques secrets pour savoir que nous sommes à un moment difficile pour la recherche de la paix au Proche-Orient», a-t-elle dit.