Reconduit dans ses fonctions, le premier ministre François Fillon parle désormais en son propre nom. Présidentiable?

Bien entendu, il n'y avait rien de bouleversant dans le solennel «discours de politique générale» prononcé par le premier ministre François Fillon hier après-midi devant l'Assemblée nationale.

Le mélange de rigueur économique et de préservation de la «cohésion sociale» reste à l'ordre du jour pour les 17 mois à venir avant l'élection présidentielle.

Tout aussi prévisible a été le vote sur la confiance au nouveau gouvernement - dont les principales têtes sont restées en place aux postes clés - et qui a donné une confortable majorité à la droite: 326 pour, et 226 contre.

Mais le vrai changement était dans le style et le ton. Le précédent discours de politique générale datait du 4 juillet 2007: le premier ministre fraîchement nommé par le président Sarkozy s'était contenté de développer les thèmes que Claude Guéant, principal conseiller de Sarkozy, avait énumérés la veille dans une interview.

Hier, l'ancien homme discret dans l'ombre du président avait changé de ton. S'il a prononcé 12 fois le mot président, il a utilisé 23 fois le «je» et 60 fois le «nous».

Et l'ovation que les députés de droite lui ont réservée ne s'adressait plus à ce lieutenant nommé par le fait du Prince, mais à un homme politique persévérant depuis trois ans et demi malgré les avanies.

Un chef qui, à l'occasion du récent remaniement de fin de quinquennat, s'est révélé incontournable: Sarkozy l'aurait volontiers remplacé par un nouveau venu qui aurait apporté de l'air frais. Mais toute solution aurait été risquée.

Et les députés de droite auraient mal compris le renvoi de cet homme courtois et compréhensif, qui les rassure face à l'agitation et aux dérapages du président. François Fillon doit sans doute en grande partie sa (relative) popularité au fait qu'il n'a guère vraiment gouverné.

Mais dans le couple - bien inégal - qu'il forme avec Sarkozy, il incarne désormais la stabilité. Hier le grand quotidien populaire Le Parisien ne consacrait pas moins de huit pages à «la vraie nature de Fillon».

De là à dire qu'il commence à devenir un recours possible pour la présidentielle au cas où Sarkozy s'effondrerait définitivement dans les sondages, il y a un pas que personne n'ose franchir.

Mais l'ancien président Giscard d'Estaing, mardi à la télévision, a lâché au passage: «La France doit avoir des présidents en réserve, et François Fillon est l'un des rares dans ce cas. Et je dis rare au singulier.»

En disgrâce dans l'opinion, Sarkozy doit maintenant se méfier de ses meilleurs «amis».