Fondateur du site Daily Kos, chroniqueur à The Hill, Markos Moulitsas est l'un des commentateurs progressistes les plus influents aux États-Unis. Critique envers le président Obama, M. Moulitsas estime néanmoins que les démocrates sont bien placés pour faire des gains aux élections de 2012. La Presse l'a interviewé cette semaine.

Q: Au lendemain des élections de mi-mandat, les républicains sont galvanisés, les démocrates sont sur la défensive, et le président Obama semble prêt à faire des compromis. Comment cette situation peut-elle mener à une résurgence démocrate dans deux ans?

R: Regardez il y a deux ans: la situation était complètement inversée. Le problème pour les républicains, c'est qu'ils doivent maintenant gouverner. C'est facile d'être opposé à tout quand vous êtes dans les gradins. Maintenant, ils doivent accomplir quelque chose s'ils veulent montrer aux gens qu'ils sont sérieux. Le futur leader de la Chambre des représentants, John Boehner, devra faire des choix -il pourra adopter la ligne dure et satisfaire sa base du Tea Party, ou prendre des décisions pragmatiques et mettre ses supporters en colère. C'est une position intenable, et c'est pourquoi je crois qu'il va se planter. Il faut aussi savoir que les électeurs républicains ont été 6% plus nombreux à aller voter cette année qu'en 2008. La base démocrate n'est pas allée voter aux élections de mi-mandat. La capacité d'un parti à faire voter ses supporters détermine l'issue d'une élection.

Q: La colère de l'électorat nuira-t-elle aux démocrates?

R: Je crois que nous allons vivre plusieurs cycles électoraux où les électeurs vont osciller d'un parti à l'autre. Les électeurs sont en colère et ils ont raison. Selon les prévisions, l'économie ne sera pas en bien meilleur état en 2012. Cela donnerait une chance aux républicains de prendre le Sénat, mais la Chambre pourrait très bien retourner aux démocrates, car les républicains détiennent beaucoup de sièges actuellement. Quant à Obama, oui, il est en danger, à moins que le Tea Party ne nous donne un candidat extrémiste, comme Sarah Palin.

Q: Le mouvement du Tea Party est vu comme un atout pour le Parti républicain. Pourtant, ses militants ont des idées qui sont clairement dans la marge...

R: L'apport du Tea Party a été crucial pour les républicains à la Chambre des représentants -des courses où les électeurs n'ont pas beaucoup d'information sur les candidats et leurs idées extrémistes. Pour les courses au Sénat, le Tea Party a été un désastre. Si l'establishment du parti avait pu sélectionner ses candidats, les républicains auraient sans doute gagné au Nevada, au Delaware, au Colorado et peut-être même au Connecticut. Les républicains ont littéralement donné ces sièges aux démocrates. Les militants du Tea Party vont continuer de chercher à détrôner les élus républicains jugés trop modérés. Chaque fois qu'ils réussissent, ils donnent la possibilité aux démocrates de remporter des victoires jusqu'ici jugées improbables. L'establishment républicain le sait bien, et devra se battre. Les feux d'artifice que cela provoquera devraient être intéressants à voir.

Q Vous êtes critique envers le président Obama, qui ne gouverne pas de façon ferme, selon vous. Comment devrait-il réorienter les deux prochaines années de son mandat?

R Bien des gens critiquent le président en disant qu'il n'a pas su travailler avec les républicains. Selon moi, le problème n'est pas là. Ce qui agace les gens, c'est son désir de recevoir l'imprimatur des républicains à tout prix - parce qu'il ne l'obtiendra jamais. C'est pour cela que sa réélection en 2012 n'est pas assurée. Bien des gens ont cru en son slogan de l'espoir (hope) et sont désillusionnés. «Espoir» semble s'être changé en «besoin désespéré d'être bipartisan pour le simple fait d'être bipartisan».

Photo fournie par Markos Moulitsas

Markos Moulitsas