L'adoption définitive mercredi par l'Assemblée nationale du projet de loi sur la réforme des retraites n'a pas empêché hier des centaines de milliers de Français de redescendre dans la rue.

«Nous, on continue de manifester», a lancé comme si c'était une évidence Didier Blanc, technicien d'Air France rencontré à Paris qui fait peu de cas des mises en garde du gouvernement sur «l'inutilité» de toute nouvelle contestation.

«Ils disent ça depuis le début, alors ça ne change pas grand-chose», a dit le syndicaliste de 50 ans, qui évoque le précédent du contrat première embauche (CPE) pour expliquer son optimisme face à la suite du conflit. Le projet de loi qui définissait les termes de ce contrat pour jeunes avait été adopté en 2006 par le Parlement, mais il n'avait jamais été promulgué face à l'importance soutenue des manifestations populaires.

Éléonore James, éditrice de 40 ans croisée à la place de la République, point de départ de la manifestation parisienne, ne pense pas qu'il sera possible de faire reculer le gouvernement. «On n'a pas gagné la bataille. Mais personne ne l'a gagnée», a souligné Mme James, qui voulait sentir «encore une fois le mouvement de solidarité» portant les opposants à la réforme.

Les syndicats à l'origine de la journée de mobilisation avaient prévenu que la participation serait plus faible, en raison des vacances scolaires et de la «stratégie d'usure» menée par le gouvernement.

Ils ont indiqué en après-midi qu'environ 2 millions de personnes avaient manifesté à l'échelle du pays contre 3,5 millions au plus fort de la mobilisation. Le ministère de l'Intérieur a avancé pour sa part le chiffre de 560 000 manifestants et parle d'une «nette baisse». Le taux de grévistes dans les transports était aussi considérablement moins élevé que précédemment.

Le dossier des retraites est loin d'être clos pour autant, a répété le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, qui juge la mobilisation d'hier «impressionnante» en vue du fait que le Parlement avait approuvé la réforme la veille.

Aucune loi ne peut «mettre fin ou décréter la fin du combat syndical pour voir reconnaître de justes revendications», a souligné M. Thibault, qui demande au président français Nicolas Sarkozy de ne pas promulguer la loi comme prévu à la mi-novembre.

Le gouvernement a déjà fait savoir, par l'entremise du ministre du Travail, Éric Woerth, qu'il n'était pas question de suspendre la promulgation.

«Sarkommencera pas»

Alors que le gouvernement appelle de ses voeux la fin du conflit, les médias ont commencé à analyser ses retombées potentielles sur l'élection présidentielle de 2012.

Le quotidien Le Figaro, proche de la droite, estime qu'une réélection de Nicolas Sarkozy démontrerait qu'il est possible d'ouvrir les yeux des Français «sur la réalité des choses sans qu'ils vous le fassent payer». Libération, campé à gauche, «voit mal» de son côté comment les ouvriers et les employés qui sont appelés à soutenir financièrement la réforme pourraient l'oublier dans les urnes.

La question du prochain scrutin présidentiel était bien présente hier dans l'esprit des manifestants croisés place de la République. «Nicolas Sarkozy a de grandes chances de passer à la trappe», s'est félicité Didier Blanc, qui craint de voir le chef d'État s'attaquer maintenant à la sécurité sociale. «Sarkommencera pas en 2012», a indiqué sur une affiche un autre manifestant remonté contre le président.