Peter Grubbauer voulait faire une surprise de taille à sa conjointe. Et ce n'est pas un présumé complot terroriste d'Al-Qaïda qui allait le freiner.

Il a donc pris l'avion à Vienne tôt hier matin et s'est rendu dans la Ville lumière pour une journée en amoureux avec elle, incluant un détour par la tour Eiffel.

Le fait que le populaire monument ait été identifié par la chaîne Fox News comme une des cibles potentielles d'une hypothétique attaque ne l'a pas fait hésiter un instant.

«Si vous avez peur, vous ne faites rien... Ce qu'on nous donne comme information ne semble pas très sérieux, pas très clair», indique M. Grubbauer, rencontré en matinée au pied de l'imposante structure métallique.

Richard Henderson, un guide touristique anglais qui accompagnait sur place un groupe de visiteurs, relate qu'il a dû rassurer plusieurs clients au cours des derniers jours.

«Les gens posent des questions. Il y a même des Suisses qui m'ont demandé si Paris était fermé, soupire-t-il. Je leur dis qu'ils courent plus de risque de se faire heurter par un camion que d'être victime d'un attentat.»

«Extrême vigilance»

Comme nombre de ressortissants européens, M. Henderson ne sait trop quel sens donner aux multiples mises en garde lancées au cours des derniers jours par différents États occidentaux.

Les conjectures vont bon train depuis que des médias anglais et américains ont rapporté l'existence d'un projet d'attentat d'Al-Qaïda censé cibler la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Il s'inspirerait de l'attaque de type commando menée contre des lieux touristiques par des hommes lourdement armés à Bombay, en Inde, en 2008.

Dimanche, le département d'État américain a semblé vouloir crédibiliser la menace en invitant officiellement ses ressortissants à faire preuve d'une vigilance accrue en sol européen.

Le Japon, la Suède et la Grande-Bretagne lui ont emboîté le pas, Londres évoquant une «forte menace terroriste» en France et en Allemagne. Paris a répondu en avisant ses ressortissants de faire preuve d'une «extrême vigilance» lors de leur passage en sol anglais.

Le ministre français de l'Intérieur, Brice Hortefeux, qui se rend au Luxembourg aujourd'hui pour faire le point avec ses homologues européens et américain, a parallèlement répété que la menace terroriste en France était «réelle» et nécessitait une attention particulière.

Selon Der Spiegel, le point de départ de ce singulier brouhaha politico-médiatique est un Allemand de 36 ans d'origine afghane, Ahmed Sidiqi, qui a été appréhendé pendant l'été après avoir voyagé de Hambourg au Nord-Waziristan, dans les zones tribales du Pakistan, où il a reçu une formation de maniement d'armes.

Propager la peur

L'hebdomadaire allemand rapporte que Sidiqi a déclaré avoir rencontré un membre haut placé d'Al-Qaïda pour discuter d'attaques contre l'Europe. Et qu'Oussama ben Laden aurait personnellement demandé leur exécution et fourni de l'argent dans ce but.

Les frappes menées par l'armée américaine avec des drones au Waziristan depuis quelques mois visent précisément à compliquer l'organisation de l'opération, a indiqué cette semaine à la BBC l'ambassadeur pakistanais aux États-Unis, Hussein Haqqani.

Ces frappes, au dire de la chaîne anglaise, ont notamment permis de tuer en septembre un jihadiste censé prendre la tête d'une cellule anglaise chargé de soutenir l'organisation d'attentats en sol européen.

Mardi, les autorités ont signalé qu'une autre frappe avait permis de tuer huit militants, dont cinq d'origine allemande, qui proviendraient de Hambourg. Les autorités de la ville ont fermé cet été une mosquée par crainte d'une recrudescence d'activités jihadistes. Elle avait été autrefois fréquentée par Mohammed Atta et plusieurs autres membres du groupe qui a perpétré les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Le ministre de l'Intérieur allemand, Thomas de Mazière, a déclaré qu'il n'y avait malgré tout pas d'indices d'un risque d'attentat imminent et prié ses homologues d'éviter toute forme d'alarmisme.

«Nous prenons tout cela au sérieux. Mais la musique publique d'accompagnement est aussi quelque chose que les terroristes utilisent, précisément parce qu'ils veulent propager la peur. Nous, nous travaillons et nous parlons peu», a-t-il déclaré.