Dans le coin droit, un politicien jeune, brillant et ambitieux. Dans le coin gauche, un politicien jeune, brillant... et ambitieux. Les frères Ed et David Miliband, nouveau duo étoile de la politique, croisent le fer pour la direction du Labour, vaincu aux élections de mai. À deux jours de la ligne d'arrivée, le gagnant est toujours incertain. Portrait d'un psychodrame familial.

Lundi soir, dans l'amphithéâtre d'une école de Birmingham. Une centaine de membres du Parti travailliste sont rivés aux lèvres de David Miliband. L'homme svelte à la houppe cendrée, qui ne montre aucun signe de fatigue après avoir sillonné le pays pendant quatre mois, lance son dernier cri de ralliement pour la direction du Labour.

«Je ne veux pas seulement être le rival du premier ministre David Cameron. Je veux le battre», dit-il en fendant l'air de sa main droite. Une salve d'applaudissements éclate, ainsi que quelques flashs.

Il rappelle habilement ses racines immigrantes à l'auditoire majoritairement d'origine sud-asiatique pour dénigrer la politique d'immigration des conservateurs.

Atif Jami était conquis en sortant de la salle. «Nous voulons tous qu'il gagne la course. Il a été ministre des Affaires étrangères, il comprend notre communauté», dit l'homme de 30 ans.

Architecte du «New Labour» avec son mentor Tony Blair, David Miliband lorgne la direction du parti depuis l'été 2008. L'homme de 45 ans a jeté son chapeau dans l'arène moins de 24 heures après le départ de Gordon Brown en mai.

«L'amour fraternel triomphera»

Puis, coup de théâtre: Ed Miliband, ministre de l'Environnement sortant, annonce trois jours plus tard qu'il affronte son aîné. Nés d'une famille polonaise juive, les frères jurent qu'il n'y aura pas de coups bas.

«David est mon meilleur ami», a affirmé Ed, qui a fait ses armes comme conseiller et protégé de Gordon Brown.

«L'amour fraternel triomphera», avait renchéri David.

Ed Miliband a tendu la main à l'aile gauche du parti, récoltant l'appui des grands syndicats. Voulant se démarquer de David, bâti sur le même moule que Tony Blair, le frère cadet a promis une rupture avec l'ère du tandem Blair et Brown.

«Je tournerai la page sur les erreurs du passé, a promis le politicien de 40 ans dans son manifeste. Je suis apte à prendre des décisions difficiles, comme je l'ai démontré en entrant dans cette course.»

De son côté, David Miliband, mieux connu du grand public et plus charismatique, promet une «nouvelle politique».

«Nous ne devrions pas demander aux électeurs de se joindre à nous, a-t-il expliqué aux membres travaillistes lundi. Nous devrions leur demander: «Peut-on se joindre à vous? À vos luttes?» «

«Forrest Gump» en avance

Ses années comme chef de la diplomatie britannique, de 2007 à 2010, l'ont bien servi. À force d'avoir frayé avec les dirigeants du monde, une aura d'autorité lui colle à la peau. Et le béguin d'Hillary Clinton pour lui est maintenant de notoriété publique.

«J'ai été impressionnée par sa façon de s'exprimer sur la scène internationale, dit Amy Bower, membre du parti âgée de 28 ans. Ed ferait un bon chef de l'opposition. Mais David ferait un bon premier ministre.»

Pourtant, rien n'est joué. Un sondage publié le 12 septembre plaçait Ed Miliband deux points devant son aîné avec 51% des intentions de vote. Depuis, les camps des Caïn et Abel politiques sont à couteaux tirés.

Des alliés de David Miliband utilisent le surnom de «Forrest Gump» pour désigner son frère, assure le Sunday Times. Une allégation catégoriquement niée par l'aîné. De son côté, l'entourage d'Ed taxe son rival d'arrogance.

Peu importe qui gagnera l'investiture du Parti travailliste ce samedi, la grande perdante sera la relation entre les deux frères, soutient Oona King, une politicienne qui est une amie d'enfance. «Ce ne sera plus pareil entre eux, dit-elle dans le documentaire Miliband of Brothers, qui sera diffusé demain. Même les liens de sang ne survivent pas à la politique.»