En dépit d'une alerte terroriste, Benoît XVI a fait sa tournée de Londres hier, appelant au dialogue oecuménique et à l'inclusion de la religion dans la sphère publique. Le souverain pontife s'est évertué à présenter le christianisme comme un pilier moral essentiel à une démocratie solide.

L'un des moments forts de la journée a été la visite historique du pape au palais de Lambeth, la résidence de l'archevêque anglican de Canterbury. Les relations entre le Vatican et l'Église anglicane ont été mises à mal en novembre 2009 lorsque Benoît XVI a créé une structure d'accueil pour les anglicans opposés à l'ordination des femmes et des homosexuels. Le Vatican a d'ailleurs durci sa position sur cette question controversée en juillet dernier.

N'empêche, Benoît XVI est devenu le premier pape à serrer la main d'une femme prêtre, Jane Hedges, chanoinesse anglicane et militante pour l'ordination des femmes, qui l'a accueilli à l'abbaye de Westminster en début de soirée.

Menace terroriste

La seconde journée du pape en Grande-Bretagne a été assombrie par une opération antiterroriste en matinée. Cinq nettoyeurs de rue ont été arrêtés alors qu'ils s'apprêtaient à commencer leur journée de travail. Un sixième homme a été interpellé en après-midi. La plupart des suspects, âgés entre 26 et 50 ans, viendraient d'Algérie. Ils étaient employés dans l'arrondissement de Westminster, où le chef du Vatican a passé l'après-midi.

Les perquisitions n'avaient permis de trouver aucune arme ou matière explosive hier soir. Les autorités doivent prendre toutes les précautions nécessaires, a expliqué à la BBC Andrew Redhead, expert en sécurité nationale. «Est-ce simplement un groupe de gens forts en gueule ou quelque chose de plus sinistre? C'est ce que les policiers devront déterminer», a-t-il dit.

Célébrité, Noëlet crise financière

Malgré tout, Benoît XVI a entrepris son itinéraire sur une note légère dans une école catholique en banlieue de Londres, où il a exhorté 4000 élèves du secondaire à devenir les saints du XXIe siècle et à se prémunir contre le culte de la célébrité.

Les agents de sécurité étaient en état d'alerte: les crucifix et les voiles des religieuses étaient inspectés à l'entrée du collège, rapportait la Press Association.

En après-midi, devant quelques centaines de personnalités, dont Tony Blair et Margaret Thatcher, Benoît XVI s'est élevé contre la «marginalisation du christianisme dans des sociétés dites tolérantes»: «Certains voudraient décourager les célébrations publiques chrétiennes, comme Noël, pour ne pas offenser les athées ou les croyants d'autres religions. Ces signes inquiétants démontrent une incapacité d'apprécier non seulement les droits des croyants à la liberté de religion, mais aussi le rôle légitime de la religion dans la vie publique.»

Il a également déclaré que, en évacuant la religion et ses principes moraux de la sphère démocratique, une société devient plus vulnérable aux crises, comme ce fut le cas avec la récente crise financière.

Idole ou antéchrist

Pendant ce temps, l'atmosphère était électrique dans le centre-ville de Londres, où le Saint-Père était attendu dans sa papamobile en début de soirée. «Nous sommes si contents d'être ici, a dit Christina Aston, 57 ans. Benoît XVI est un homme merveilleux.»

«Il est extrêmement intelligent», a renchéri Niamh Moloney, 25 ans, qui portait un t-shirt marqué de l'inscription «Catholique et fière». L'éducatrice paroissiale assure que ses jeunes sont bien protégés. «Nos règles sont un modèle de protection des enfants. Si j'avais un seul doute, j'alerterais la police», a-t-elle dit.

En revanche, beaucoup de détracteurs attendaient le pape devant la porte de l'abbaye de Westminster. Mike Coode, victime de prêtres pédophiles, était venu de Nashville pour demander au pape plus de sévérité envers les agresseurs. «J'ai été violé pendant quatre ans par deux ecclésiastiques. L'un d'eux, le père Roger Lott, est toujours en liberté», dit l'Américain de 70 ans aux yeux bleu clair.

La papamobile a été accueillie par des «viva Papa», mais aussi par beaucoup de huées de protestants baptistes, qui étaient en grand nombre. «Jésus-Christ est le chef de l'Église, pas le pape», a clamé Kenny Cavin, un diacre écossais, qui brandissait l'inscription «Le pape est l'antéchrist».