À quelques heures de l'arrivée de Benoît XVI en Grande-Bretagne, la grogne au sujet de sa visite échauffe les esprits. Des victimes d'agressions sexuelles et des personnalités haussent le ton alors qu'un cardinal s'attaque à «l'athéisme agressif» des Britanniques.

Le Vatican accusé d'être une «mascarade», l'Église catholique de «conduite scandaleuse»... Il suffirait de fermer les yeux pour croire qu'Henri VIII, fondateur de l'Église anglicane en 1533, est toujours au pouvoir et en rupture avec l'Église romaine.

La venue du souverain pontife, qui arrive ce matin à Édimbourg, n'avait rien pour calmer ces critiques, hier. Dans une lettre ouverte, 50 personnalités, dont l'acteur Stephen Fry et le prolifique auteur Ken Follett, dénoncent le fait qu'il sera reçu avec les honneurs dus à un chef d'État. À cause des positions conservatrices du Vatican, les signataires considèrent cette visite comme «une mascarade pour étendre son influence internationale».

La presse britannique insiste pour sa part sur les 12 millions de livres sterling (plus de 19 millions de dollars) que coûtera le séjour papal aux contribuables, pourtant frappés par des mesures d'austérité.

Au Royaume-Uni, où le trône est toujours interdit aux catholiques, «l'anglicanisme est la seule religion chrétienne; le reste est considéré comme exotique», explique à La Presse Tom O'Loughlin, théologien à l'Université de Nottingham.

Dans une entrevue publiée hier dans le magazine allemand Focus, le cardinal Walter Kasper, chef du Conseil pour l'unité chrétienne, a déclaré que les chrétiens britanniques sont malmenés par un «nouvel athéisme agressif». «Si, par exemple, vous portez un crucifix à bord d'un vol de British Airways, vous serez l'objet de discrimination», a illustré l'homme de 77 ans.

Le même jour, le cardinal Kasper a renoncé à accompagner le pape pour «des motifs de santé».

Nombreux billets invendus

Contrairement au pape Jean-Paul II, qui avait reçu un accueil digne d'une vedette rock en 1982, Benoît XVI ne fera pas courir les foules. Des 255 000 billets mis en vente pour ses messes et ses prières extérieures, environ 35 000 sont demeurés invendus.

Sa visite sera certes suivie, mais avec des attentes: 80% des Britanniques aimeraient qu'il demande pardon pour les scandales de pédophilie.

Toutefois, les excuses ne suffisent plus pour des victimes britanniques, qui ont demandé hier que le Vatican remette aux autorités appropriées les renseignements concernant les prêtres agresseurs.

Selon toute vraisemblance, le pape rencontrera en privé certaines victimes, comme il l'a fait aux États-Unis et en Australie. «Ne pas le faire serait un désastre pour l'image de l'Église», a déclaré au journal The Independent un prélat catholique qui a exigé l'anonymat.