Un tribunal d'Aix-en-Provence vient d'imposer de lourdes peines de prison aux membres d'un groupe de marginaux accusés d'avoir sauvagement tué en 2006 un jeune homme de 21 ans après l'avoir traité en «esclave». Quatre ans après le drame, les interrogations perdurent sur les causes de leur comportement ultraviolent, relate notre journaliste.

William Modolo croyait avoir trouvé, dans un groupe de marginaux de la région d'Aix-en-Provence, l'amitié et l'affection qui lui manquaient. Jusqu'à ce que ses «amis» se retournent contre lui, le torturent et l'assassinent avec sadisme pour ce qui semble être une banale affaire de coeur.

Le jeune homme de 21 ans a été trouvé mort en mai 2006 dans un sous-bois, à une vingtaine de kilomètres de cette ville du sud de la France. Son corps, violé et mutilé, portait des marques de brûlures; on lui avait fracassé la tête à coups de pierres et arraché une douzaine de dents.

La police l'a découvert après qu'une des filles du groupe, mené par un homme de 31 ans au passé chargé, Jean-Pierre Planqueel, eut décidé de se libérer de son secret.

L'affaire, au dire d'un journaliste interrogé hier, a interpellé et choqué beaucoup de résidants de la région, qui s'expliquent mal une telle déferlante de violence gratuite.

Devant la cour d'assises d'Aix-en-Provence, tant l'accusation que les avocats de la défense ont multiplié les théories pour chercher à expliquer l'action du groupe, allant jusqu'à évoquer un parallèle avec les exactions nazies.

Un verrou aurait sauté

L'avocat général, Roland Mahy, a indiqué que les camps de concentration répondaient «au moins» à une «idéologie destructrice inhumaine» et à une «forme de logique barbare», contrairement à l'assassinat de William Modolo, «dénué de tout sens».

«Mon drame, c'est que je ne peux proposer de logique. Il n'y en a fondamentalement pas», a-t-il déclaré cette semaine dans son réquisitoire, cité par Le Monde.

Un médecin expert, Daniel Glezer, a fait valoir au tribunal qu'il y avait eu un effet de «sadisme de groupe, où, sous l'influence de leaders, les membres du groupe adoptent un comportement qu'ils n'auraient pas eu individuellement».

Il a déclaré que les accusés, grands consommateurs d'alcool et de stupéfiants, n'étaient pas «mentalement dérangés», mais souffraient «d'histoires familiales mouvementées» ayant abouti à des «personnalités mal structurées».

Jean-Pierre Planqueel, qui menait une vie d'errance depuis la fin de l'adolescence après avoir été élevé par sa mère et un beau-père violent, était le plus «mal structuré» de tous, a souligné l'expert.

Un psychologue, Michel de Laburthe, a avancé de son côté que l'accusé avait trouvé dans le groupe un exutoire à sa volonté de «virilité dominante» et qu'un «verrou avait sauté» dans sa tête au moment de l'assassinat, libérant sa rage.

»Brutes épaisses»

Monique Touitou, avocate de la famille de la victime, a fait valoir que l'effet de groupe ne venait que révéler «ce qui existe au fond des accusés», des «brutes épaisses» qui avaient réduit William Modolo au rang de chose.

Du témoignage confus des accusés, âgés de 20 à 40 ans, il est ressorti que la victime, complexée par un problème d'embonpoint, avait été graduellement amenée à jouer le rôle de souffre-douleur, voire d'esclave. Les choses auraient dégénéré lorsque les autres ont appris qu'il aimait la compagne de Jean-Pierre Planqueel et lui avait dérobé des sous-vêtements.

Le chef du groupe a affirmé que la décision de tuer William Modolo pour le punir avait été prise collectivement, mais les autres accusés ont tous cherché à minimiser leur participation au drame devant le tribunal.

En fin de compte, la Cour d'assises a retenu jeudi de lourdes peines contre l'ensemble du groupe. Planqueel a notamment écopé de 30 ans de prison, avec une période «incompressible» de 22 ans, alors que l'accusation réclamait la détention à perpétuité.

La mère de la victime, Roselyne Modolo, s'est dite soulagée de la décision. «Des peines à la hauteur de nos espérances. Les bourreaux de mon fils vont passer un bon bout de temps en taule. William va pouvoir reposer en paix», a-t-elle déclaré aux médias.