Si les analystes politiques américains se prenaient pour des météorologues, ils prédiraient pour le 2 novembre prochain un scrutin de catégorie 4 ou 5 aux États-Unis, c'est-à-dire un ouragan électoral susceptible d'emporter sur son passage les majorités dont jouissent les démocrates à la Chambre des représentants et au Sénat.

Barack Obama et son parti peuvent toujours tenter de se rassurer en soulignant que les élections dites de mi-mandat n'auront lieu que dans huit semaines, ce qui est censé être une éternité en politique. Ils devraient donc en théorie avoir le temps de se préparer au pire et de limiter ainsi les dégâts. Sans compter que l'ouragan annoncé pourrait bien passer de la catégorie 4 ou 5 à la catégorie 1, avant d'être rétrogradé à l'équivalent politique d'une tempête tropicale, comme Earl.

Or, au lendemain de la fête du Travail, congé qui marque traditionnellement le début de la dernière étape des campagnes électorales américaines, il est probablement déjà trop tard pour les démocrates. Ceux-ci, selon la plupart des experts (et un bon nombre de stratèges de leur propre parti), devraient commencer à se faire à l'idée d'un nouveau président de la Chambre des représentants appelé John Boehner.

«À moins d'un événement cataclysmique, une grosse vague républicaine est pratiquement garantie pour novembre», dit Larry Sabato, politologue de l'Université de Virginie. «Le climat politique s'est sérieusement détérioré pour les démocrates au cours de l'été.»

Le professeur Sabato a fait cette déclaration après avoir publié les prédictions électorales que lui a dictées sa fameuse «boule de cristal» (son examen de diverses données, dont les sondages dans chaque État et circonscription). Selon lui, les républicains ont de bonnes chances de réaliser un gain net de 47 sièges à la Chambre des représentants, soit 12 de plus que les 39 dont ils ont besoin pour s'assurer de la majorité. Au Sénat, selon la boule de cristal du politologue, ils pourraient s'approcher à un ou deux sièges de la majorité (ils ont besoin d'un gain net de dix sièges pour y parvenir).

Les pronostics de Larry Sabato font suite à ceux de Charlie Cook, autre analyste politique réputé, qui a prédit aux républicains un gain net de 35 à 45 sièges à la Chambre. L'éditeur du Cook Political Report estime en outre que le Sénat est désormais à la portée des républicains.

Avantage historique

Pour ajouter à la déprime des démocrates, Gallup a publié la semaine dernière un sondage indiquant que le Parti républicain dispose d'un avantage historique de 10 points sur le parti du président Obama dans les courses à la Chambre des représentants, soit 51% des intentions de vote contre 41%.

En 1994, après avoir été crédités d'une avance de cinq points dans un sondage semblable, les républicains avaient arraché la majorité aux démocrates à la Chambre grâce à un gain net de 52 sièges.

Pour au moins deux raisons, la situation électorale des démocrates n'a rien d'extraordinaire. À quelques exceptions près, le parti au pouvoir à la Maison-Blanche a toujours perdu des plumes lors des élections de mi-mandat, qui renouvellent la totalité des 435 sièges de la Chambre des représentants et un tiers des 100 sièges du Sénat. Le contraire aurait été franchement renversant en cette année où les démocrates font face à un électorat non seulement aigri par la lenteur de la reprise économique et l'anémie du marché de l'emploi, mais également inquiet des déficits vertigineux du gouvernement fédéral.

La sévérité du verdict électoral pourrait néanmoins surprendre. Après tout, Barack Obama et les démocrates du Congrès peuvent revendiquer plusieurs réalisations majeures, dont la création d'un système de santé accessible à des dizaines de millions d'Américains supplémentaires, la plus importante réforme de Wall Street depuis les années 30 et des mesures économiques qui ont probablement évité aux États-Unis de sombrer dans une dépression avec un grand D.

De toute évidence, le président et ses alliés ont perdu la bataille de l'opinion face aux républicains, qui semblent avoir convaincu une partie des électeurs de la nature futile, exorbitante ou dangereuse des politiques démocrates.

Barack Obama a lancé hier sa campagne pour changer cette perception. Lors d'un déplacement au Wisconsin, il a notamment annoncé un plan visant à injecter au moins 50 milliards de dollars dans les infrastructures (aériennes, routières et ferroviaires).

Mais il y a des limites à ce qu'un président peut faire face à un ouragan.