Le ciel de l'Europe a de nouveau été quadrillé par des avions, hier. Pendant ce temps, le volcan s'est essoufflé. Mais les réjouissances n'ont pas duré. L'industrie aérienne exige des réparations de l'Europe. Et les consignes de sécurité pour l'avenir sont toujours incertaines.

À 8h06 hier, un avion Alitalia a décollé de l'aéroport d'Heathrow en direction de Rome. Le premier depuis six jours. La presque totalité de l'espace aérien a été rouverte en Europe, au grand soulagement de milliers de voyageurs sur le carreau. Environ 22 500 vols se sont déroulés comme prévu, selon l'agence de la sécurité aérienne Eurocontrol, soit 80% du trafic habituel.

 

Aujourd'hui, cette proportion devrait frôler les 100%.

Les passagers devront cependant encore s'armer de patience, ont prévenu les compagnies aériennes. Elles anticipent un lent retour à la normale.

«Cela prendra jusqu'à 10 jours pour satisfaire tous nos clients», a dit à La Presse un cadre de Japan Airlines qui n'a pas voulu être identifié. La France a promis de rapatrier ses 70 000 ressortissants d'ici la fin de semaine. En Grande-Bretagne, le gouvernement Brown a été critiqué par des voyagistes pour son plan de rapatriement tardif et désordonné.

Le nombre de Canadiens coincés à l'étranger était toujours inconnu hier. Les consulats canadiens ont répondu à 1200 demandes d'aide partout dans le monde, a toutefois indiqué le ministère des Affaires étrangères.

Cris et applaudissements

À l'aéroport d'Heathrow, c'était la cohue, hier après-midi.

N'entrait pas qui voulait dans le terminal 3. Blanche Bongo s'était déplacée pour confirmer son vol du 28 avril pour Genève. «La ligne téléphonique est toujours occupée», a-t-elle expliqué.

Elle s'est heurtée à des portes closes. Seuls les détenteurs d'une carte d'embarquement pouvaient entrer dans le terminal. Mais pas avant l'heure d'enregistrement.

Pour Suthud Khancharo-ensuk et sa famille, cela s'est traduit par cinq heures d'attente sur le pavé. «Nous, les Thaïlandais, sommes réputés pour notre patience. Mais là, nous sommes très frustrés», a dit l'homme de 52 ans.

L'humeur était meilleure dans l'aire des arrivées. L'équipage des avions a été acclamé à l'atterrissage, ont affirmé des passagers fatigués, mais souriants. «Les gens ont crié, sifflé. C'était amusant», a dit Raghda Ibrahim, 26 ans, qui arrivait du Caire.

À qui la faute?

L'industrie aérienne n'a pas réservé le même sort aux autorités européennes, hier. Le bal des récriminations s'est poursuivi.

Les politiciens devraient payer la facture des compagnies européennes pour leurs erreurs, a suggéré le directeur de l'Agence internationale du transport aérien (IATA), Giovanni Bisignani. «La crise n'est pas le résultat d'une mauvaise gestion de nos membres. Ce fut une situation exceptionnelle, exagérée par les mauvaises décisions des gouvernements», a-t-il dit. «L'Europe n'a pas bien réagi, a admis le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, sur France Info. Il faudra réajuster les consignes.»

Les pertes globales de l'industrie, déjà en difficulté depuis quelques années, sont évaluées à 1,7 milliard de dollars. La Commission européenne a donné son aval aux pays membres pour des indemnisations spéciales. Au moins cinq transporteurs de taille petite ou moyenne sont menacés de faillite, selon l'IATA.

Une fois la poussière retombée sur cette crise, l'industrie aérienne devra établir un seuil sécuritaire de concentration de cendres volcaniques pour ses appareils. Malgré des pressions de l'Organisation de l'aviation civile internationale en ce sens, l'IATA se traîne les pieds dans ce dossier depuis des années, a révélé le Guardian.

En Islande, l'éruption du volcan Eyjafjallajökull s'est essoufflée. Son intensité a chuté de 80% et les niveaux des émissions de cendres étaient «vraiment insignifiants». Mais il ne s'est pas endormi pour autant. «Les secousses sismiques demeurent fortes», a insisté le scientifique Pall Einarsson.