Le controversé ministre de l'Immigration, Éric Besson, n'a pas le coeur à rire depuis qu'il s'est fait ridiculiser par l'humoriste français Stéphane Guillon. L'affaire fait grand bruit dans l'Hexagone, où les humoristes montent au front pour défendre l'un des leurs, rapporte notre correspondant.

Dans la vieille France, la chose se serait sans doute réglée à l'aube au champ d'honneur.

Mais c'est plutôt un duel par médias interposés que se livrent depuis 10 jours l'humoriste Stéphane Guillon et le ministre de l'Immigration, Éric Besson, outré par une capsule au vitriol diffusée à son sujet sur les ondes de France Inter.

 

En témoigne notamment une lettre ouverte parue lundi dans le quotidien Libération dans laquelle le ministre dénonce, en parlant de son adversaire, «des méthodes et des propos de facho, mal déguisés sous un look bobo et une vulgate supposée gaucho».

Il reproche particulièrement à Stéphane Guillon - qu'il traite de «lâche» et de «pleutre» - d'avoir refusé de le rencontrer pour débattre, préférant «étriller» sa cible seul face à un micro que d'accepter «une confrontation exigeante».

S'inspirant de la remontée électorale du Front national, qui a largement profité du débat sur l'identité nationale lancée par le ministre, l'humoriste a raconté en ondes la semaine dernière une fable dans laquelle Éric Besson est dépeint comme un «agent infiltré» du parti d'extrême droite.

Jean-Marie Le Pen, a-t-il blagué, a recruté le futur ministre très tôt après être tombé en admiration devant ses «yeux de fouine» et son «menton fuyant», un profil idéal «pour trahir».

Après être entré au Parti socialiste, le Besson imaginaire fait défection à l'UMP, formation du président Nicolas Sarkozy - ce qu'a fait le personnage réel - et entre au gouvernement où il s'empresse de mettre en place des politiques chères au FN.

«Au soir de son premier charter (qui renvoie des immigrants illégaux), il appelle Jean-Marie Le Pen en larmes: «Ça y est, je l'ai fait.» L'élève dépasse le maître», lance sur les ondes Stéphane Guillon, qui évoque, en guise de conclusion, la perspective de voir Éric Besson siéger dans un gouvernement ouvertement raciste, voire nazi, sous la direction de la fille de Jean-Marie Le Pen.

Le ministre, qui lui a succédé en ondes sans avoir entendu la capsule, a demandé de pouvoir commenter immédiatement le travail de l'humoriste en soulignant qu'il venait d'être alerté de sa plus récente sortie par des amis scandalisés. Évoquant une autre capsule récente à caractère «raciste», il presse France Inter de se questionner sur sa responsabilité dans la diffusion d'amalgames malsains présentés sous couvert d'humour.

«Je sais très bien, en parlant comme je le fais, que je lui fais de la publicité, qu'on va considérer que c'est un martyr et qu'au nom de l'humour, il a le droit de tout dire», souligne le politicien.

La journée même, la direction de France Inter a présenté ses «excuses» relativement à la capsule de Stéphane Guillon, arguant qu'elle n'est pas «conforme aux valeurs du service public», particulièrement en raison des références à l'apparence physique du ministre.

L'humoriste, loin de battre en retraite, en a rajouté le lendemain matin sur les ondes, arguant que sa cible se comportait comme un enfant.

«Ma fille Violette, elle est aussi comme lui colérique, sanguine... Elle part au quart de tour mais bon, elle a 3 ans», a-t-il dit, avant de s'amuser d'être qualifié de «raciste» par un ministre qui est responsable de l'organisation de vols nolisés pour immigrants illégaux.

 

Pas sa première victime

L'humoriste n'en est pas à ses premières prises de bec avec la classe politique. Il a notamment suscité l'année dernière l'ire du directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, en ironisant sur son appétit sexuel.

«Les responsables politiques ont le droit et le devoir d'être critiqués par les humoristes. Mais l'humour, ce n'est pas drôle quand c'est principalement de la méchanceté», a commenté M. Strauss-Kahn, qui connaissait des difficultés en raison d'une liaison avec une employée de l'organisation internationale.

Même le président français s'était mis de la partie à cette occasion, critiquant «l'humour méchant» de Stéphane Guillon.

 

Du soutien

À défaut de compter de nombreux amis dans la classe politique, l'homme dispose de soutien dans le milieu journalistique. Le principal syndicat du secteur a dénoncé les excuses «scandaleuses» de France Inter comme une atteinte à la liberté d'expression et de caricature.

Les humoristes sont aussi montés au front. «Guillon a juste fait de l'humour», a déclaré Guy Bedos, qui juge navrantes les excuses présentées par la radio d'État.

Idem pour Anne Roumanoff, autre humoriste, qui décrit «l'irrévérence acide» de son collègue comme une «essentielle bouffée d'oxygène» pour la société française.