A-t-il de l'estomac? Peut-il résister à la tentation de plier l'échine? Au cours de la dernière année, plusieurs sommités de l'information, de même que certains militants du Parti démocrate, se sont posé des questions semblables à propos de Barack Obama, le trouvant trop timide, hésitant ou conciliant dans la poursuite de ses objectifs politiques.

Or, le dossier de la réforme du système de santé, principal chantier de sa présidence, aura démontré que l'ancien sénateur de l'Illinois n'a pas seulement l'audace d'espérer, comme l'annonçait le titre de la version française de son deuxième livre. Il a également l'audace de persévérer contre vents et marées, et plus précisément contre une opposition républicaine qui s'était promis de faire de cet ambitieux projet son Waterloo.

 

Sa ténacité aura ainsi permis à Barack Obama de sauver d'une mort annoncée par plusieurs observateurs une réforme dont l'impact pourrait lui valoir une place de choix dans les livres d'histoire américains. En attendant, le 44e président ne manquera pas de se vanter d'avoir réussi là où plusieurs de ses prédécesseurs ont échoué, de Theodore Roosevelt à Bill Clinton en passant par Harry Truman. Il ne devra quand même pas oublier de remercier la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui a joué un rôle crucial dans la résurrection de cette réforme.

Coût politique

Il n'est certes pas exclu que la persévérance du président lui coûte à court terme sur le plan politique. Le débat acrimonieux sur la réforme du système de santé a déjà contribué à la baisse de sa popularité dans l'opinion, ainsi qu'à la montée du Tea Party, mouvement de contestation qui l'accuse de socialisme, de communisme ou de fascisme.

Les dirigeants républicains du Congrès sont d'ailleurs persuadés que ce mouvement et la colère antigouvernementale qu'il incarne aideront leur parti en novembre à l'occasion des élections de mi-mandat, tout comme ils ont aidé en janvier le républicain Scott Brown, vainqueur inattendu de l'élection partielle tenue au Massachusetts pour choisir un remplaçant au défunt sénateur démocrate Edward Kennedy.

Un des chefs de file du Grand Old Party, John Boehner, a même affirmé samedi que la réforme permettrait à sa formation de redevenir majoritaire à la Chambre des représentants, prédisant ni plus ni moins un raz-de-marée républicain en novembre.

«Elle est forte comme présidente (de la Chambre), il n'y a pas de doute là-dessus, a-t-il dit sur un ton sarcastique en faisant référence à Nancy Pelosi. Tu passes un projet de loi très impopulaire. Tu l'enfonces dans la gorge du peuple américain et tu perds ta majorité. C'est bon, ça? C'est intelligent, ça?»

Rôle crucial de Pelosi

Il va sans dire que la plupart des démocrates n'approuvent pas l'analyse de John Boehner. La presse américaine a commencé hier à jeter une lumière plus que favorable sur le rôle de Nancy Pelosi dans la relance de la réforme du système de santé, qui semblait au point mort après l'élection de Scott Brown au Massachusetts.

Alors que plusieurs démocrates, dont le chef de cabinet de la Maison-Blanche Rahm Emanuel, suggéraient à Barack Obama de se contenter d'une mini-réforme, la présidente de la Chambre a encouragé ce dernier à maintenir le cap sur son ambitieux projet. Le président n'a pas hésité à se rendre aux arguments de la démocrate de San Francisco, étant lui-même persuadé que le succès de son mandat à la Maison-Blanche était lié au sort de sa réforme.

Après avoir obtenu le feu vert du président, Nancy Pelosi s'est donc attelée à la tâche de convaincre ses collègues démocrates de la Chambre, dont plusieurs craignaient qu'un vote en faveur de la réforme ne leur coûte leur siège. Le succès de ses pressions, auxquelles le président Obama a grandement contribué, ne fait plus aucun doute.

Un faible pour les vainqueurs

Barack Obama et les démocrates pâtiront-ils en novembre de l'adoption de la réforme du système de santé? La réponse décevra peut-être les républicains, qui promettent d'abroger la mesure s'ils redeviennent majoritaires à la Chambre. Une fois la réforme adoptée, les Américains pourraient en effet se montrer plus favorables au président et à son parti, ayant toujours eu un faible pour les vainqueurs.

Ils pourraient également jeter un nouveau regard sur le contenu même de la réforme, à propos de laquelle les républicains ont répandu plus d'une fausseté.

Quoi qu'il en soit, Barack Obama peut savourer aujourd'hui un triomphe aussi remarquable qu'inattendu.