On le croyait mort ou, en tout cas, voué à un déclin irréversible. Le Front national vient de faire son retour dans le jeu politique français.

Dimanche soir, au premier tour des élections régionales, l'extrême droite menée par Jean-Marie Le Pen a indéniablement créé la surprise. Les 11,55% obtenus en France «métropolitaine» ne constituent pas en soi un résultat extraordinaire - aux régionales de 2004, le FN avait frôlé les 15% -, mais c'est bien davantage que ce que prévoyaient sondages et observateurs.

 

Avec plus de 20% pour le vieux chef en Provence-Côte d'Azur, et plus de 18% pour sa fille et héritière, Marine, dans le Nord-Pas-de-Calais, le parti que l'on disait moribond connaît un spectaculaire sursaut. Chacun se disait que l'étiquette «FN» ne survivrait pas à la disparition de son fondateur et meilleur propagandiste. Il semble aujourd'hui que Marine Le Pen, tout juste âgée de 41 ans, soit en mesure d'assurer la succession.

En tout cas, c'est par ses propres moyens qu'elle a réussi son implantation dans cette région traditionnellement minière et ouvrière, bastion de la gauche, aujourd'hui frappée de plein fouet par la crise économique.

Capacité de nuisance

Étant donné le mode de scrutin des élections régionales françaises, il existe un seuil capital en dessous duquel un parti politique perd la plus grande partie de son influence. Une liste de candidats doit obtenir au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour pour pouvoir se maintenir au second tour ou négocier son ralliement.

Crédité de 7% ou 8% des voix avant le scrutin par la majorité des instituts de sondage - qui ont toujours eu beaucoup de difficulté à évaluer le vote «frontiste», par définition secret et inavouable -, le Front national semblait avoir perdu sa capacité de nuisance: on pensait qu'il ne passerait la barre des 10% que dans deux ou trois des vingt et une régions que compte la France hexagonale.

Or, voici que revient le cauchemar pour la droite «parlementaire», c'est-à-dire sarkozyste: le parti lepéniste se maintient allègrement dans 12 régions, en l'occurrence celles que la droite traditionnelle pouvait espérer reprendre à la gauche.

Descente aux enfers

Depuis l'élection présidentielle de mai 2007, on pensait que les jours du Front national étaient comptés. L'extrême droite avait atteint un record de 19% des voix à la présidentielle de 2002. Nicolas Sarkozy, par son discours musclé sur la sécurité, avait ramené ce score à 10%. La descente aux enfers semblait commencée pour Le Pen: le FN était tombé à 4,29% aux législatives de juin 2007, et à 6,8% aux européennes de juin 2009.

Le financement public du parti, lié aux résultats électoraux, s'était brutalement tari. Jean-Marie Le Pen allait sur ses 80 ans - il en aura 82 dans quelques jours -, et personne ne semblait en mesure de reprendre le flambeau de celui qui reste l'un des plus grands tribuns politiques dans ce pays.

Le premier tour des régionales a d'un seul coup démenti tous ces pronostics. Sur son seul nom et sans même faire campagne - sinon dans quelques émissions politiques à la télé -, Le Pen a obtenu l'un des meilleurs scores de l'extrême droite en bord de Méditerranée depuis un quart de siècle. Et son héritière - à qui il passera le flambeau l'automne prochain ou au début de 2011 - vient de montrer son efficacité politique sur une terre de mission.

«Ces scores montrent que Le Pen est une bonne marque», a commenté dimanche soir le vieux chef avec un sourire épanoui. Il est possible en effet que son nom lui survive dans l'arène politique française.