Le président n'a de cesse d'attribuer à son prédécesseur tous les maux des États-Unis. Néanmoins, le public porte un jugement de plus en plus sévère à son égard. Certains observateurs commencent d'ailleurs à douter de ses chances d'être réélu. Un journaliste du Washington Post est même en train d'écrire un livre prédisant qu'il ne briguera pas un second mandat. «La magie n'est plus», conclut un de ses collègues du New York Times.

Barack Obama peut se consoler. Malgré certaines ressemblances, le paragraphe précédent ne résume pas sa situation actuelle, mais celle de Ronald Reagan en janvier 1982, au premier anniversaire de son investiture à la Maison-Blanche. Et le 40e président n'était pas encore au bout de ses peines. Son parti allait perdre 26 sièges à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat, en novembre 1982, et son taux d'approbation devait atteindre le niveau le plus bas de sa présidence au début de l'année suivante, soit 35%.

Tout ça pour dire qu'il est trop tôt pour écrire l'épitaphe politique de Barack Obama. Certes, sa présidence paraît mal en point après la victoire républicaine de mardi dernier au Massachusetts, qui met en péril son programme, y compris sa réforme du système de santé. Mais il peut regagner les faveurs du public et retrouver son ascendant politique, à l'instar de Reagan, réélu en 1984 grâce à une victoire écrasante face à Walter Mondale. Et si l'exemple d'un président républicain ne lui plaît pas, il peut se rebattre sur celui de Bill Clinton, dont le parti avait perdu ses majorités au Sénat et à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat de 1994, qui faisaient suite à l'échec de sa réforme du système de santé.

La relance de l'économie avait été déterminante dans la réélection de Clinton en 1996, tout comme elle l'avant été dans celle de Reagan. Aussi Barack Obama devra-t-il compter sur une amélioration de la situation économique actuelle pour ne pas connaître en 2012 le sort de Jimmy Carter, évincé de la Maison-Blanche en 1980 après seulement un mandat.

Mais il devra aussi reprendre contact avec le public américain, dont les priorités ne sont pas les siennes. Les sondages sont clairs à ce sujet : les dossiers auxquels le président a consacré le plus de temps au cours de la première année de son mandat, dont la santé et l'Afghanistan, viennent loin derrière l'économie parmi les sujets qui préoccupent les électeurs. Or le plan de relance massif promulgué par Barack Obama en février dernier a été confondu par plusieurs Américains avec les plans de sauvetage impopulaires du secteur bancaire et de l'automobile.

Le président démocrate aura la chance dès mercredi, à l'occasion de son premier discours sur l'état de l'Union, de démontrer qu'il a compris le message des électeurs du Massachusetts. Au cours des derniers jours, il a tenté d'harnacher la colère que ceux-ci ont exprimée en lançant une offensive contre les banques. «Je ne veux plus jamais voir le contribuable américain être l'otage d'une banque "trop grande pour faire faillite''», a-t-il dit jeudi en annonçant de nouvelles mesures pour limiter certains des activités les plus lucratives accusées d'avoir contribué à la crise financière.

Le lendemain, Barack Obama se rendait dans l'État industriel de l'Ohio, où il a retrouvé les accents populistes de sa campagne présidentielle, utilisant les mots «se battre» ou leurs variantes pas moins de 20 fois. «Je vais continuer à me battre pour des réformes réelles et significatives de l'assurance-maladie», a-t-il notamment déclaré.

Son discours sur l'état de l'Union lui permettra peut-être d'expliquer comment il parviendra à remettre sur les rails une réforme compromise par l'élection d'un 41e sénateur républicain. Pour le moment, il semble vouloir laisser aux chefs de file démocrates du Congrès le soin de se dépêtrer de cette situation difficile.

Cette attitude, si elle se confirme, fera perdre à Barack Obama d'autres appuis chez les progressistes, dont celui de Paul Krugman, chroniqueur du New York Times et prix Nobel d'économie.

«Il faut le dire, je suis tout près d'abandonner tout espoir quant à M. Obama, qui semble décidé à confirmer tous les doutes que moi-même et d'autres avaient sur sa capacité à se battre en faveur des convictions de ses partisans», a écrit Krugman sur son blogue jeudi dernier.

Après seulement un an à la Maison-Blanche, Barack Obama n'a sans doute pas dit son dernier mot, comme le démontre l'expérience des Reagan et Clinton. Mais l'époque où ses mots suffisaient à convaincre les Américains est bel et bien révolue.