Faut-il que les jeunes Français chantent, au moins une fois par année, La Marseillaise? Faut-il baptiser les classes de chaque école avec le nom d'un personnage marquant de l'histoire du pays? Et rendre visible la mention «République française» sur tous les bâtiments publics?

Le ministre de l'Immigration, Éric Besson, souhaite que des questions de ce type soient discutées à l'échelle nationale dans le cadre d'une vaste consultation sur l'identité nationale et l'immigration.

L'exercice, qui n'est pas sans rappeler ce qu'a connu le Québec avec la commission Bouchard-Taylor, doit officiellement être lancé le 2 novembre par toutes les préfectures du pays. Nombre de parlementaires nationaux et européens participeront aux débats, qui se concluront par un «grand colloque de synthèse», fin janvier.

Les «forces vives de la nation» seront appelées à définir, plus précisément, «quelles sont les valeurs qui nous relient, quelle est la nature du lien qui fait que nous sommes Français et que nous devons être fiers de l'être», a expliqué dimanche M. Besson, en insistant sur la nécessité de «réaffirmer» ces valeurs.

Selon lui, les grands partis ont trop longtemps négligé ces questions, laissant toute latitude à l'extrême droite pour «s'approprier le patrimoine républicain» et faire avancer son agenda antiimmigration.

«Arrière-pensées»

L'annonce du ministre, qui survient quelques jours après le renvoi controversé en Afghanistan d'immigrants illégaux arrêtés dans le nord du pays, a suscité une levée de boucliers dans les rangs de l'opposition.

«Quand la crise politique s'installe durablement, que le parti majoritaire se divise et pointe les échecs de ses choix politiques, l'appel symbolique à la Nation relève d'une méthode déjà éprouvée du gouvernement, vertueuse en apparence, mais portée par d'évidentes arrière-pensées», a déclaré le député socialiste Christian Paul.

Le thème a été évoqué à plusieurs reprises par le chef de l'État, Nicolas Sarkozy, dans le passé. Il avait soulevé la polémique durant la campagne présidentielle de 2007 en soulignant son intention de rebaptiser le ministère de l'Immigration le ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale.

Rompant avec l'unanimité traditionnelle de la gauche à ce sujet, le directeur du quotidien Libération, Laurent Joffrin, a souligné, hier, dans un long éditorial, qu'il était temps pour son camp de se saisir du débat pour défendre une vision ouverte et tolérante de l'identité nationale.

«Plus de quatre millions de citoyens d'origine étrangère, qui ne sont pas moins français que les autres, demandent à garder une part de leur identité traditionnelle. Au nom de quoi leur interdirait-on? La France future sera tissée, en même temps que de christianisme ou de laïcisme, de culture musulmane, d'esprit africain et de tradition ultramarine», écrit-il.

Hymne national hué

Le modèle d'intégration français, à l'opposé de l'approche multiculturelle anglo-saxonne, fait traditionnellement peu de place aux demandes des minorités religieuses.

La question de son efficacité et de la nécessité de défendre les valeurs et les symboles républicains a été soulevée récemment après que des jeunes aient hué l'hymne national lors d'un match de soccer.

L'annonce de la tenue d'un débat public, par Éric Besson, survient alors que l'Institut national d'études démographiques (INED) publie les conclusions d'une vaste étude visant à déterminer comment les Français se «définissent» aujourd'hui sous l'effet des «transformations sociales de la seconde moitié du XXe siècle».