Il y a près d'un an, en pleine tourmente à Wall Street, le maire de New York Michael Bloomberg se posait en sauveur de la ville et demandait au Conseil municipal de changer les règles du jeu afin de lui permettre de briguer un troisième mandat, alors que la loi limitait à huit ans la durée de sa charge.

«La crise actuelle ne doit pas être sous-estimée, et nous allons faire face à des défis sans précédent», avait déclaré le milliardaire de 67 ans, fondateur de l'agence d'informations financières qui porte son nom et huitième fortune des États-Unis avec 16 milliards de dollars selon le magazine Forbes. «Nous pourrions être au bord d'un effondrement», avait-il ajouté.

Un an plus tard, Michael Bloomberg admet volontiers que sa ville a évité le pire. Mais il n'est pas moins déterminé à conserver son poste, ayant réussi à convaincre le Conseil municipal d'exaucer sa demande. Et il est prêt à investir 100 millions de dollars – il en a déjà dépensé  40 – pour triompher à l'occasion de l'élection municipale du 3 novembre.

À moins d'une surprise monumentale, Bloomberg, un indépendant soutenu par les républicains, remportera son pari face à son principal adversaire, Bill Thompson, contrôleur général de la ville, qui a été désigné mardi dernier par les démocrates pour défier le maire sortant.

Mais qu'est-ce qui fait donc courir Michael Bloomberg? Dans Mike Bloomberg : Money, Power, Politics, un livre à paraître cette semaine, la journaliste du New York Times Joyce Purnick fournit la réponse d'un autre milliardaire new-yorkais, Mort Zuckerman, qui met en doute la raison pour laquelle le maire a réclamé un troisième mandat : «Non, ce n'était pas la crise économique. Quelle autre chose peut-il faire?»

Michael Bloomberg a certainement été tenté par la présidence des États-Unis. Comme le laisse entendre Purnick dans sa biographie, le maire de New York aurait probablement annoncé sa candidature à la Maison-Blanche en 2008 si un candidat plus conservateur que John McCain – un Mike Huckabee, par exemple – avait remporté l'investiture du Parti républicain. Il aurait pu, à titre d'indépendant, courtiser l'électorat centriste.

Chose certaine, il était persuadé d'être plus qualifié que McCain ou Barack Obama, deux politiciens pour lesquels il voue une certaine admiration.

«Mais que diable connaissent-ils à la gestion et à la façon de mener les gens? Rien», a-t-il dit à Purnick avant le scrutin présidentiel. «Si vous regardez ma compagnie, pourquoi, après tout le succès que nous avons eu avant que je me lance en politique, penseriez-vous que je ne pourrais pas diriger le gouvernement? Que diable  dois-je accomplir pour faire mes preuves? Pourquoi pensez-vous que je ne serais pas qualifié pour être président des États-Unis après tout le succès que j'ai connu avec ma compagnie et notre administration? Pour l'amour de Dieu, je ne brigue pas la Maison-Blanche, mais ce n'est pas différent.»

Si le ton de Bloomberg trahissait une certaine frustration, c'est peut-être qu'il réalisait que son rêve de jeunesse – devenir le premier président juif – venait de passer.

Comme maire, Michael Bloomberg peut se vanter d'avoir contribué au sauvetage financier de la ville après le choc du 11 septembre 2001, à la baisse de la criminalité et à l'amélioration des performances des écoles publiques. Il s'est aussi donné la réputation d'un croisé de la santé et de l'environnement en interdisant la cigarette dans les lieux publics et les graisses industrielles dans l'alimentation, ainsi qu'en plantant un million d'arbres dans la ville.

Après deux mandats à la mairie de New York, il aurait très bien pu quitter la politique et poursuivre ses activités philanthropiques ou sportives (il est devenu un maniaque du golf au cours des dernières années). Mais il a décidé que sa ville ne pouvait se passer de sa compétence et de son indépendance.

«Je me fous de ce que les groupes de pression veulent. Je ne reçois pas un sou d'eux. Je travaille pour un dollar par année et je travaille pour vous et pour vous seulement», a déclaré le maire mardi soir lors du lancement officieux de sa campagne.

Son principal adversaire, Bill Thompson, tentera de convaincre les New-Yorkais que Michael Bloomberg travaille en fait depuis huit ans pour «les riches et les puissants», comme le laisse entendre sa première pub télévisée. Il lui reprochera également de vouloir devenir «maire à vie».

Tiens, c'est peut-être une idée à laquelle Michael Bloomberg n'avait pas pensé...