Bien entendu, le Parti républicain n'a pas le monopole des scandales, comme l'ont notamment démontré les anciens gouverneurs démocrates de New York et d'Illinois, Eliot Spitzer et Rod Blagojevich, dont la chute a été précipitée par le goût des prostituées ou la soif d'argent.

Mais les élus républicains se surpassent ces jours-ci, offrant un enterrement de première classe à leur réputation de défenseurs des valeurs familiales. En l'espace de huit jours, deux d'entre eux, et non les moindres, ont admis un adultère, ajoutant à l'embarras de leur famille celui des chrétiens évangéliques qui constituent la base électorale de leur parti.

«Je ne donnerai aucun nom mais la femme avec laquelle j'ai eu une liaison et son mari étaient des amis proches et tous deux ont travaillé pour moi», a déclaré le sénateur du Nevada John Ensign, 51 ans, le 16 juin.

Le 24 juin, le gouverneur de la Caroline-du-Sud Mark Sanford, 49 ans, y est allé de sa propre confession lors d'une conférence de presse: «La vérité, c'est que j'ai trompé ma femme.»

Ces aveux ne pouvaient guère tomber plus mal pour le Parti républicain, dont l'impopularité surpasse même celle de l'ancien vice-président Dick Cheney, selon le plus récent sondage NBC/Wall Street Journal. Considérés comme des étoiles montantes du Parti républicain, Ensign et Sanford caressaient tous les deux des ambitions nationales qui auraient pu les inciter à briguer la Maison-Blanche en 2012.

Ces ambitions appartiennent désormais au passé. Mais leurs positions intransigeantes sur les questions d'ordre moral ne sont pas oubliées. À l'époque où ils siégeaient à la Chambre des représentants, Ensign et Sanford ont tous deux voté en faveur de la destitution de Bill Clinton pour avoir menti sous serment à propos de sa liaison sexuelle avec Monica Lewinsky.

«Je pense qu'il serait préférable qu'il démissionne», avait déclaré Sanford au cours du débat sur le rôle de l'ancien président dans l'affaire Lewinsky. «Je viens du monde des affaires. Si le président d'une compagnie faisait face aux mêmes accusations, il serait parti.»

Onze ans plus tard, le gouverneur adultère de Caroline-du-Sud n'a pas l'intention de démissionner de son poste, même si des éditorialistes de son État et des membres de son propre parti le réclament. Ceux-ci ne lui reprochent pas seulement son infidélité mais également son recours à des fonds publics pour financer ses visites en Argentine, où se trouve son amante. D'autres encore lui reprochent d'avoir tenté de camoufler son voyage de la semaine dernière à Buenos Aires en faisant notamment dire à son équipe qu'il était parti faire de la randonnée pédestre dans les Appalaches.

Mémorable à plus d'un titre, l'histoire de Mark Sanford n'est que la plus récente d'une série mettant en relief l'hypocrisie de certains républicains. Le sénateur Ensign du Nevada ne s'était pas davantage gêné pour donner des leçons de morale. En plus d'avoir voté pour l'impeachment de Bill Clinton, il avait mené en 2007 une campagne appelant à la démission de son collègue républicain de l'Idaho, Larry Craig, impliqué dans un scandale sexuel dans les toilettes publiques d'un aéroport.

Sanford, Ensign, Craig. À ces noms, il faut également ajouter celui du sénateur républicain de Louisiane, David Vitter, qui a admis en 2007 avoir trompé sa femme avec des prostituées de Washington, ainsi que celui de l'ex-membre de la Chambre des représentants, Mark Foley, qui a abandonné son siège en 2006 après la révélation d'une correspondance électronique compromettante avec un stagiaire de 16 ans.

Après cette série noire, les républicains n'enfourcheront pas de sitôt les valeurs familiales comme cheval de bataille électoral.

«Je pense qu'ils tenteront de régler le problème en fuyant cette question», a déploré Tony Perkins, président du Family Research Council, une organisation qui considère le mariage et la famille comme les piliers de la civilisation. «Ils ne veulent plus parler de valeurs familiales.»

Avec un président démocrate dont le mariage et la famille font figure de modèle, il faut s'attendre à ce que les républicains se rabattent sur un autre thème qui leur a déjà été cher, la responsabilité fiscale. Les plus récents sondages indiquent d'ailleurs que les Américains sont préoccupés par le déficit de l'État, qui doit s'élever à plus de 1000 milliards de dollars pour l'exercice budgétaire de 2009.

Les républicains seront évidemment accusés d'hypocrisie, ayant eux-mêmes contribué à l'accumulation des déficits sous George W. Bush. Mais ont-ils le choix de se battre sur ce terrain-là?