Dix équipes d'architectes ont dessiné les plans futuristes d'une capitale inchangée depuis le Second Empire ou presque. Nicolas Sarkozy, comme tous ses prédécesseurs, désire laisser un héritage pharaonique aux Parisiens.

Dix équipes d'architectes ont dessiné les plans futuristes d'une capitale inchangée depuis le Second Empire ou presque. Nicolas Sarkozy, comme tous ses prédécesseurs, désire laisser un héritage pharaonique aux Parisiens.

Si vous allez à Paris dans les mois qui viennent, voici une activité intéressante - et gratuite. À l'intérieur du Palais de Chaillot, face à la tour Eiffel, la Cité de l'architecture et du patrimoine vous propose jusqu'au 22 novembre une passionnante exposition sur le «Grand Paris» - virtuel - XXIe siècle.

Plus exactement sur les projets futuristes de 10 célèbres architectes français ou étrangers, de Richard Rogers à Jean Nouvel ou Christian de Portzamparc.

Le Grand Paris, c'est LE projet de Nicolas Sarkozy qui, comme tous ses prédécesseurs, a l'ambition de laisser une trace pharaonique de sa présidence. Après le Grand Louvre et la Bibliothèque de France de Mitterrand, le Musée des arts premiers de Chirac - entre autres -, voici sans doute le projet architectural le plus ambitieux de tous.

Car il s'agit de redessiner pour le XXIe siècle une métropole de quelque 10 millions d'habitants, dont les grandes structures sont inchangées depuis le Second Empire et les travaux du baron Haussmann.

Pour les architectes, un peu mégalomanes par nature, c'était un cahier des charges de rêve: pendant une année, ils ont planché sur cette grande capitale qui aura 12 ou 15 millions d'habitants au milieu du siècle. Sans d'ailleurs se poser la question du financement de ces travaux gigantesques. Petit détail...

Paris sur mer!

Le projet qui, à l'heure actuelle, a le plus frappé les imaginations est signé par l'équipe d'Antoine Grumbach. Il s'agit tout simplement de relier Paris à la mer, en développant sur 200 kilomètres un grand couloir de développement et de communication qui suivrait le cours de la Seine jusqu'au Havre.

Le fougueux - et ancien gauchiste - Roland Castro veut créer autour du grand parc de la Courneuve, qui est actuellement une zone déshéritée, une sorte de Central Park entouré de gratte-ciel et destiné à accueillir un quartier d'affaires et le ministère de l'Économie et des Finances. Sur l'étang de Gennevilliers - autre banlieue glauque - un nouvel Opéra sur le modèle de Sidney en Australie.

Un autre veut recouvrir de verdure les immeubles et les voies ferrées, créer autour de Paris plusieurs centres urbains attractifs d'un demi-million d'habitants. Un autre encore propose de doubler la superficie des forêts de la région parisienne, de manière à contrebalancer un processus de «densification» de la banlieue, que beaucoup suggèrent.

Le problème de Paris reste cette barrière infranchissable matérialisée par le boulevard périphérique et qui sépare Paris intra-muros - neuf kilomètres sur 15, plus de deux millions d'habitants - du reste de l'Île de France, avec plus de sept millions de personnes.

Cette vaste banlieue est aujourd'hui traversée d'autoroutes récentes et reliée à Paris par un Réseau express régional. Mais sur le fond, elle n'a pas changé depuis un siècle: on y trouve encore aujourd'hui 1280 municipalités, dont beaucoup sont microscopiques.

Réunir Paris et la banlieue

Chacun a fait ses petites affaires dans son coin, et il n'y a pas de plan d'ensemble.

Les cinq «villes nouvelles» créées de toutes pièces dans les années 70 n'ont pas été les pôles attractifs qu'on espérait.

L'ensemble constitue le plus souvent une sorte de no man's land, d'une succession de petites villes-dortoirs pavillonnaires ou couvertes de cités HLM. «Malgré quelques regroupements municipaux, estime Patrick Braouzec, l'ancien maire communiste de Saint-Denis, en banlieue nord, aucune banlieue ne peut rivaliser avec l'attractivité de Paris.» Aucune enseigne ou institution prestigieuse n'a envie, aujourd'hui, de s'installer «de l'autre côté du périphérique».

La plupart des projets du grand Paris visent donc à combler ce fossé entre Paris et la banlieue. La couverture définitive du périphérique à quatre voies avec l'implantation d'espaces verts est un premier pas dans cette direction. Après quoi, il s'agit de «densifier» la banlieue, de la transformer en véritable espace urbain vivant et compact, entouré d'espaces verts.

Pour avancer dans cette direction, il faut d'abord beaucoup d'argent: et la crise actuelle n'arrange pas les choses. Il faut également arriver à un minimum de consensus politique.

En mars dernier, la commission sur la réforme des institutions dirigée par l'ancien premier ministre Édouard Balladur proposait entre autres de créer un «Grand Paris» politique, en fusionnant purement et simplement Paris et les centaines de municipalités des trois départements de la «petite couronne», avec une population de 6 millions d'habitants.

Levée de boucliers chez les innombrables élus locaux: le gouvernement s'empressait de remiser cette proposition aux oubliettes.

Ambitieux plan de transport

La situation actuelle, où la mairie de Paris, les assemblées de trois départements, des centaines de conseils municipaux et le Conseil (élu) d'Île-de-France se partagent les pouvoirs et les budgets, ne favorise pas vraiment l'élaboration de vastes et ambitieux plans d'aménagement urbain.

Ce qui reste de sûr dans ce grand brassage d'idées, c'est pour l'instant le projet plus terre-à-terre d'un ambitieux réseau de transport rapide autour de Paris: un métro entièrement souterrain, roulant à grande vitesse et reliant l'aéroport de Roissy et une demi-douzaine de pôles de développement. Cette superligne de métro courrait sur 131 kilomètres et serait en forme de huit. Coût estimé des travaux, qui débuteraient en 2012 et dureraient une dizaine d'années : 35 milliards d'euros. Ce qui semble à peu près faisable.

Quant aux projets globaux sur le Grand Paris du XXIe siècle, on en reparlera l'automne prochain lorsque Nicolas Sarkozy et les 10 architectes se rencontreront à nouveau pour faire le point. Ce qu'on sait seulement, c'est que le président Sarkozy y accorde beaucoup d'importance. Alors peut-être...