Combien de policiers faut-il pour appréhender des enfants de 6 et 10 ans soupçonnés d'avoir volé des vélos? En France, pas moins de six, à en juger par l'intervention réalisée la semaine dernière devant un établissement primaire de Floirac, non loin de Bordeaux.

«Je ne comprends pas pourquoi ils ont procédé ainsi... Il s'agissait de jeunes enfants, pas de grand banditisme», déplore en entrevue le directeur de l'école, Olivier Billand, qui a fait le tour des classes, hier, pour rassurer les enfants de l'école. «Quelques-uns m'ont demandé si les élèves appréhendés risquaient de finir en prison», indique-t-il.

 

L'affaire a débuté lorsque la mère d'une élève de l'école a aperçu un autre élève avec un vélo identique à celui que sa fille s'était fait voler peu de temps auparavant.

«La mère en question m'a demandé de forcer l'enfant à restituer le vélo, ce que je n'ai pas fait puisque je n'avais aucune preuve qu'il était volé. Elle m'a demandé ensuite si elle pouvait lui parler directement dans l'école, ce que j'ai refusé, en lui suggérant de contacter plutôt ses parents... Elle m'a dit finalement qu'elle porterait plainte à la police», relate M. Billand.

De l'école au commissariat

À la sortie des classes, une demi-douzaine d'agents ont interpellé le garçon, ainsi qu'un autre enfant, la plaignante se disant convaincue que son vélo était aussi volé. Ils ont été menés au poste et interrogés pendant deux heures avant d'être autorisés à repartir avec leurs parents.

La mère de l'un des garçons mis en cause, Aicha Ouachim, a dénoncé l'intervention policière sur les ondes de France Inter. «On ne va pas chercher des gamins de 6 ans et 10 ans à la sortie de l'école, devant leurs camarades, devant tout le monde», a-t-elle indiqué.

Le directeur départemental de la sécurité publique, Albert Doutre, a défendu l'action des policiers en relevant que les enfants avaient été interpellés «très judicieusement un peu à l'écart du groupe scolaire» et conduits au commissariat «sans menottes ni rudoiement».

La ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, moins enthousiaste, a demandé qu'une enquête soit menée au sujet de l'intervention, qui survient quelques semaines après que la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) eut critiqué sévèrement le travail des forces de l'ordre du pays envers les mineurs.

Des manquements

L'organisme de supervision affirme avoir relevé «un ou plusieurs manquements» dans 50 des 65 cas concernant cette tranche de la population qui lui ont été soumis depuis 2000. La répétition observée de certains manquements «donne à penser qu'ils sont beaucoup plus répandus que les chiffres ne le laissent supposer», souligne le CNDS, qui insiste sur la nécessité de procéder par convocation plutôt que par interpellation lorsque des personnes de moins de 18 ans sont concernées.

La section française d'Amnistie internationale avait aussi vertement critiqué le travail des corps policiers du pays, dans un récent rapport en soulignant que les plaintes pour usage abusif de la force «ne sont pas souvent suivies d'enquêtes effectives».

«Les gens doivent pouvoir faire confiance à la police. Or, aujourd'hui ce n'est souvent pas le cas. Cette confiance sera possible lorsque les gens verront que des mesures disciplinaires appropriées sont prises en temps voulu», indiquait le rapport.

L'intervention d'Amnistie a été accueilli plus que froidement par les syndicats policiers du pays, qui insistent sur l'importance des «contrôles» existants sur leur profession.