Alors que les stars défilent sur la Croisette, deux policiers homosexuels viennent de mettre en lumière un aspect plus sombre de la vie cannoise en dévoilant le harcèlement dont ils sont victimes. Leur retentissante sortie survient alors qu'un nouveau rapport souligne qu'il y a encore fort à faire en France pour venir à bout de l'homophobie en milieu de travail.

Guillaume espérait amour et compréhension en avouant son homosexualité à ses parents. Il a plutôt eu droit à une déferlante de haine qui l'a ultimement poussé au suicide.

 

«Les homosexuels devraient retourner dans les camps de concentration», s'est vu répondre le Français de 27 ans, qui a été agressé physiquement par son père, rendu furieux par ses aveux.

Traumatisé par ce rejet, il sollicite le soutien de SOS homophobie, une ONG qui tient une ligne d'écoute. La démarche n'a pas suffi pas à calmer le mal-être du jeune homme, qui s'est enlevé la vie l'an dernier, quelques heures après un ultime entretien avec l'un des bénévoles.

«Nous avons été très secoués par ce cas même s'il a laissé après sa mort une note pour dire que nous l'avions beaucoup aidé», relate le président de SOS homophobie, Jacques Lizée.

La fin tragique de Guillaume (nom fictif) confirme, si besoin était, que l'homophobie continue de faire des ravages dans le pays, souligne le militant, qui réclame une action accrue de sensibilisation du gouvernement.

«La visibilité accrue des lesbiennes et des gais ne doit pas masquer la permanence et la violence d'une homophobie présente à tous les niveaux de la société», relève M. Lizée, qui a rendu public la semaine dernière le rapport annuel de l'organisation pour 2008.

Basé sur plus de 1200 témoignages téléphoniques recueillis en cours d'année, il démontre que l'homophobie demeure une problématique particulièrement importante en milieu de travail.

Jouer à l'autruche

Un sondage récent a démontré qu'environ 40% des homosexuels sur le marché du travail estimaient avoir été victimes d'insultes ou de brimades découlant de leur orientation sexuelle. Or, pratiquement aucun cas ne se retrouve devant les tribunaux.

«Il y a un manque total de confiance des homosexuels tant envers la police que la justice... Beaucoup préfèrent se taire ou porter plainte pour harcèlement sans évoquer explicitement leur homosexualité pour faire cesser les abus», relate M. Lizée.

Ceux qui vont de l'avant, ajoute-t-il, peinent à recueillir des témoignages d'appui puisque leurs collègues craignent souvent d'être mal vus de la direction en dénonçant une situation problématique.

«Comme il n'y a pratiquement pas de plainte, on se bute à un déni total par les gens qui pourraient faire quelque chose (syndicats, directions d'entreprise, etc). Ils préfèrent jouer à l'autruche», indique le militant.

La problématique de l'homophobie en milieu de travail concerne notamment la police. «Chaque année, nous recueillons de nouveaux témoignages concernant des cas de harcèlement entre collègues», indique M. Lizée (voir autre texte).

Propagande haineuse

Malgré les demandes de SOS homophobie, les écoles de formation de la police n'ont pas intégré de volet relatif à la discrimination qui permettrait de faire reculer les préjugés dans le milieu, dit-il.

Le Syndicat national des policiers municipaux dénonce, de son côté, la persistance d'une «mentalité de machos» qui veut qu'il faut «être un homme viril pour être dans la police» ou encore que les homosexuels sont «faibles».

SOS homophobie se préoccupe également de la «très forte progression» du nombre de plaintes concernant l'internet.

«C'est un lieu de l'anonymat où se déchaînent des propos homophobes d'une très grande violence», souligne l'organisation, qui recense, dans son rapport, plusieurs exemples problématiques relevés sur des sites de réseautage, des forums ou des blogues.

Le document reproduit notamment une bande dessinée montrant une enseignante qui présente à ses élèves un couple d'hommes flanqués de diablotins.

Les trois personnages «ont des traits qui rappellent les caractères antisémites des années 30», relève SOS homophobie, qui déplore le fait que certains opérateurs de sites évoquent la liberté d'expression pour refuser de sévir contre les homophobes.

«Il y a encore du travail à faire en France pour distinguer liberté d'expression et propagande haineuse», souligne M. Lizée.