La nouvelle est parvenue mardi soir à Jacques Chirac, à la Gazelle d'or, un hôtel de luxe marocain où - fidèle à ses goûts pour le soleil et les palaces - il prend quelques jours de vacances en famille.

Cette fois, c'est fait. Dans le dernier baromètre publié chaque mois par Paris Match et qui évalue la popularité des personnalités politiques françaises, l'ancien président de la République, parti de l'Élysée la queue entre les jambes en mai 2007, est désormais l'homme politique le plus populaire du pays. Et de loin...

 

Avec 74% d'opinions positives, Jacques Chirac écrase la concurrence. La jeune secrétaire d'État aux Droits de l'homme, Rama Yade, et son ministre de tutelle, Bernard Kouchner, éternels chouchous de l'opinion, sont à 69%. L'autre perpétuel favori des sondages, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, est à 68%.

Fidèle à sa ligne de conduite - qui lui fut fort utile pendant toutes ces années où les sondages le plaçaient dans des abîmes d'impopularité -, il s'est empressé de ne pas commenter ce sondage, laissant ses proches le faire à sa place, de manière officieuse.

Sarkozy l'avait trahi

De toute façon, la discrétion absolue à laquelle il s'est astreint depuis son départ de l'Élysée n'est pas pour rien dans cette déclaration d'affection pour le plus célèbre retraité du pays, aujourd'hui âgé de 76 ans et qui, malgré quelques signes de vieillissement, garde des allures fringantes à l'occasion de ses apparitions publiques.

Ne s'occupant plus de rien en politique française, refusant la moindre déclaration concernant son successeur ou la crise économique, Chirac passe désormais pour un sage installé au-dessus des polémiques et des querelles partisanes. «C'est un peu le grand-père de la nation», commente la ministre de la Culture Christine Albanel, qui fut longtemps la «plume» de Chirac à l'Élysée.

Pour l'intéressé, c'est une divine surprise: ni François Mitterrand ni Valéry Giscard d'Estaing, ses deux prédécesseurs, n'étaient ressortis de l'impopularité après leur départ. C'est aussi une douce revanche sur son ancien protégé, un certain Nicolas Sarkozy qui, après l'avoir «trahi» une première fois à la présidentielle de 1995, n'était revenu en grâce que pour comploter de nouveau contre lui. Et l'empêcher en 2007 de briguer un troisième mandat, auquel Chirac n'avait pas tout à fait renoncé, malgré ses 74 ans.

Sarkozy, soutenu par la quasi-totalité de la droite, avait fait de lui un paria ou presque. Aujourd'hui, le président Sarkozy est à 41% dans le même baromètre de Paris Match.

Pots-de-vin et justice

Bien entendu, Jacques Chirac, même devenu impopulaire, gardait quelque part l'image d'un homme sympathique pour ceux qui le côtoyaient, d'un bon vivant, prompt à tutoyer ses interlocuteurs et amateur de bonne chère. Les agriculteurs, qu'il avait toujours choyés, l'adoraient et, le 26 février dernier, lui avaient fait un triomphe lors de sa visite au Salon de l'agriculture. Sa conversion, en fin de parcours, à l'écologie et à l'altermondialisme, dans une version soft, lui avait valu des sympathies à gauche.

À noter que Jacques Chirac reste aujourd'hui mis en examen dans plusieurs causes concernant diverses affaires de pots-de-vin datant des années où il était maire de Paris. Un gigantesque système de financement illégal de ses activités politiques - et même de son train de vie personnel - qui se chiffrait en millions d'euros. Mais ce sont là de petits détails qui, en France, passent pour des fautes vénielles et sont vite oubliés. On peut sans doute compter sur la lenteur de la justice française, encouragée au plus haut niveau, pour que les dossiers dans lesquels il est impliqué n'aboutissent jamais. Du moins de son vivant.