Elle compte parmi ses ancêtres des esclaves de la Caroline-du-Sud, d'où son grand-père paternel est parti afin de participer à une des plus grandes migrations de l'histoire américaine, celle des Noirs du sud des États-Unis vers les centres urbains du Nord et du Midwest.

Née dans une famille pauvre de Chicago, une ville où une ségrégation raciale de fait a longtemps sévi, diplômée de deux des meilleures universités américaines - Princeton et Harvard -, elle incarne elle-même les souffrances et les triomphes de l'Amérique noire.

Aussi, cet après-midi, lorsqu'elle franchira le seuil de la Maison-Blanche à titre de première dame des États-Unis, plusieurs Américains y verront un symbole encore plus fort que l'investiture présidentielle de son mari, un métis dont l'histoire familiale n'a pas été marquée par l'esclavage ou la ségrégation. Ils y trouveront aussi un sujet de conversation moins frivole que la tenue vestimentaire de cette femme grande et svelte qui a célébré samedi son 45e anniversaire de naissance.

«Michelle Obama personnifie une histoire partagée par des millions de citoyens mais ignorée par les grands médias», dit Liza Mundy, auteure d'une biographie qui paraîtra au Québec le 20 février sous le titre Michelle Obama, First Lady.

«Plusieurs personnes, et tout particulièrement les femmes noires, s'identifient à elle, ajoute Mme Mundy, qui est également journaliste au Washington Post. À leurs yeux, les Afro-Américaines ont souffert d'une double discrimination, en tant que femmes et en tant que citoyennes noires. Il est donc important pour ces personnes de voir cette femme forte, respectée et appréciée de son mari, entrant à la Maison-Blanche à la tête d'une famille afro-américaine intacte, et tout aussi important que le reste du pays la voie.»

Pour ambitieuse qu'elle fut durant sa jeunesse studieuse, Michelle LaVaughn Robinson ne s'attendait certes pas à devenir un symbole en épousant Barack Obama le 3 octobre 1992. Même si son amoureux ne se gênait pas pour annoncer ses ambitions présidentielles à ses proches, elle refusait d'y croire, allant même un jour jusqu'à affirmer que la politique était une «perte de temps».

L'ironie veut que Michelle Obama ait aidé son mari à faire ses premiers pas en politique en le présentant à des personnalités clés de la communauté noire de Chicago, y compris Valerie Jarrett, une des femmes les plus influentes de la ville dont elle fit connaissance à l'époque où elle travaillait à la mairie.

Mme Jarrett, qui présida notamment la commission de financement de la campagne d'Obama pour son élection au Sénat en 2004, occupera un poste de conseillère au sein de la Maison-Blanche.

Reste à savoir quel rôle Michelle Obama voudra bien elle-même jouer au 1600, Pennsylvania Avenue, sa nouvelle adresse. Au début de la campagne présidentielle de son mari, elle est devenue la cible préférée de plusieurs commentateurs conservateurs, qui n'appréciaient pas certains de ses discours.

«Elle leur a certainement donné des munitions, dit Liza Mundy, sa biographe, au cours d'un entretien téléphonique. Dans les longs discours qu'elle a prononcés durant les primaires, elle parlait souvent d'un pays divisé où il y a encore plusieurs personnes qui sont sans espoir, sans perspectives d'avenir. Elle avait une vision très sombre de l'Amérique. Il serait intéressant de voir si elle a changé d'avis maintenant que son mari a gagné l'élection.»

Il serait cependant étonnant que Michelle Obama aborde des sujets trop controversés au cours du premier mandat de son mari. Elle a déjà écrit que son «premier métier», même en tant que première dame, «restera d'être maman» de ses deux filles, Malia, 10 ans, et Sasha, 7 ans.

On est loin de l'avocate formée à Harvard qui a notamment occupé un poste de vice-présidente à l'Hôpital universitaire de Chicago. On est loin aussi de la femme à l'humour incisif qui ne se gênait pas pour se moquer de son mari au début de sa campagne présidentielle. Tout se passe comme si Michelle Obama avait décidé de se cantonner dans un rôle de première dame assez conventionnel.

«Michelle a hâte de continuer à travailler dans les domaines qui lui tiennent à coeur : soutenir les familles de militaires, aider les femmes qui cherchent à conjuguer travail et vie de famille, et encourager le bénévolat», pouvait-on lire récemment sur le site internet de l'équipe de transition de son mari.

Mais celle qui deviendra demain l'autre visage de la présidence américaine réserve peut-être des surprises au public.

«Il sera intéressant de voir si elle persistera à présenter une version incomplète de sa personnalité en public ou si elle se permettra de relaxer et d'être elle-même en public, dit Liza Mundy. Je pense que la plupart des gens espèrent qu'elle se permettra un peu plus de spontanéité.»