La ministre de la Justice de la France, Rachida Dati, se retrouve dans la ligne de mire des organisations féministes françaises pour avoir choisi de reprendre le travail cinq jours seulement après avoir accouché par césarienne.

La politicienne de 43 ans, qui avait donné naissance à une petite fille le 2 janvier dans une clinique de Paris, a quitté l'établissement le 7 au matin, son bébé dans les bras, pour se rendre au conseil des ministres. Elle a ensuite assisté à une cérémonie protocolaire avec son homologue espagnol. Le lendemain, elle était à l'Assemblée nationale pour la période des questions.

 

Le Collectif national pour les droits des femmes parle d'une décision «scandaleuse» qui pourrait encourager les employeurs à exercer une pression «intolérable» sur les femmes. La présidente des Chiennes de garde, Florence Montreynaud, estime que l'absence de véritable congé renvoie aux années 20 à une époque où une fraction importante des ouvrières accouchaient carrément à l'usine.

Un pédopsychiatre de Brest, Alain Lazartigues, s'inquiète pour sa part que le modèle de «superwoman» incarné par Mme Dati influence l'attitude de la population relativement à la maternité et à l'accouchement. «Il n'y a pas là de respect pour les besoins psychologiques de l'enfant et de la femme», juge le spécialiste.

Une journaliste du quotidien Le Monde se demande, avec ironie, si le retour rapide de la ministre deviendra la base d'une nouvelle blague misogyne: «Chérie, arrête de dire que tu es fatiguée, t'as vu Rachida?»

«Les femmes doivent-elles prouver que donner naissance à un enfant n'empêche en rien de s'arrêter de travailler et qu'un accouchement ne serait finalement qu'un rendez-vous parmi d'autres dans un agenda?» demande plus sérieusement la scribe.

Poste menacé

Elle suppose, pour expliquer l'empressement de la ministre, qu'elle craignait peut-être de «perdre son emploi».

Mme Dati, qui avait été présentée aux médias comme un des membres vedettes du premier gouvernement, formé en 2007 après les élections présidentielles et législatives, est aujourd'hui tombée dans les mauvaises grâces du président Nicolas Sarkozy. Son mandat a été marqué par plusieurs réformes controversées qui ont suscité l'ire des principaux acteurs du secteur judiciaire.

Bien qu'elle ait reçu beaucoup d'attention médiatique en France et ailleurs, la ministre n'est pas la première politicienne du pays à choisir de reprendre très rapidement ses fonctions après un accouchement.

Ségolène Royal, qui deviendra plus tard candidate socialiste à l'élection présidentielle française, en avait fait autant en 1992 alors qu'elle était ministre de l'Environnement. La femme de 38 ans avait reçu à l'hôpital les représentants de Paris Match, qui avaient fait leur une avec une image la montrant dans son lit, entourée de dossiers.

L'affaire avait suscité à l'époque un vigoureux débat sur la séparation entre vie publique et vie privée, les critiques de Mme Royal jugeant qu'elle avait franchi un seuil inacceptable en s'exposant dans les médias.

Une sénatrice de droite, Catherine Dumas, se portant à la défense de Mme Dati, a indiqué il y a quelques jours que son accouchement et son retour au travail étaient des questions privées et que la ministre n'avait d'aucune façon cherché à «s'ériger en exemple pour les autres femmes».

L'argument colle mal dans le cas de Mme Dati, une politicienne prisée des tabloïds qui avait mis en scène l'annonce de sa grossesse et fait grand cas de sa volonté de revenir rapidement au travail. Les spéculations entourant le nom du père, qui n'est pas connu, ont largement alimenté la chronique.

D'autres politiciennes connues ont, comme elle, repris rapidement le collier après un accouchement. C'est le cas notamment de la candidate républicaine à la vice-présidence américaine, Sarah Palin, qui avait renoué avec ses activités politiques quatre jours après avoir accouché d'un enfant malade. Plus récemment en Espagne, la ministre de la Défense, Carme Chacon, enceinte au moment de sa nomination, a pris un congé de six semaines.