C’est gros. Du matériel pour Hollywood. Des agents du FBI qui débarquent sans s’annoncer dans la résidence cossue d’un ancien président des États-Unis. Ils fouillent pendant des heures. Ils saisissent des boîtes de documents. S’ils trouvent ce qu’ils cherchent, l’ancien président risque de perdre le droit de briguer les suffrages. Il risque même de se retrouver en prison.

C’est gros. Et pourtant, personne, aux États-Unis, n’ose imaginer que cette perquisition sans précédent ternira la réputation de Donald Trump.

Au point où nous en sommes, remarquez, il n’y a sans doute plus rien à ternir.

Mais surtout, les partisans de Trump l’ont toujours appuyé sans réserve. À travers tous les scandales, tous les mensonges. Le grab them by the pussy. Les procédures d’impeachment. L’émeute du 6 janvier 2021…

Rien ne les a ébranlés. Alors, ce n’est pas la possibilité d’une poursuite criminelle qui les fera changer d’idée. Au contraire, ils sont plus remontés que jamais.

On ne connaît pas les détails de cette perquisition. Il est question d’un transfert de documents classifiés de la Maison-Blanche à Mar-a-Lago, la résidence de Trump à Palm Beach, en Floride.

On ne connaît pas les détails, mais, aux États-Unis, les alliés de Trump ne semblent pas vouloir les connaître. Déjà, ils s’étouffent de rage face à cette chasse aux sorcières, cette politisation du FBI, cette instrumentalisation de la justice, cet autre coup fourré de l’État profond…

On peut dire que Trump a bien entraîné son armée. Ses partisans sont parfaitement conditionnés. Ça ne manque jamais : dès qu’il est question de faire la lumière sur les mauvais coups de l’ex-président, ils crient à la persécution politique. Comme des chiens de Pavlov.

Donald Trump a tout avantage à alimenter cette paranoïa. « Notre nation vit des jours sombres », a-t-il déclaré lundi en annonçant la perquisition de Mar-a-Lago. « Une telle agression ne pourrait avoir lieu que dans des pays du tiers monde en ruine. »

Malheureusement, les États-Unis sont maintenant devenus l’un de ces pays, corrompus à un niveau jamais vu auparavant. Ils ont même forcé mon coffre-fort !

Donald Trump

L’ex-président tient les « démocrates de gauche radicale » responsables de cette ignoble opération policière, omettant de mentionner que le patron de la junte, pardon, du FBI, Christopher Wray, avait été nommé par… Trump lui-même, en 2017.

Mais oublions ce léger détail. Sur Fox News, lundi, on a évoqué sans rire l’avènement d’un « État policier » en Amérique. Le FBI serait carrément devenu « l’ennemi du peuple ».

Sur les réseaux sociaux, c’est le délire.

Si le FBI peut faire une rafle chez un [ex-]président américain, imaginez ce qu’il peut vous faire.

Elise Stefanik, représentante républicaine de l’État de New York, sur Twitter

Comme d’autres, la politicienne semblait choquée de découvrir qu’en démocratie, personne n’est au-dessus de la loi. Pas même Donald Trump.

Une fois de plus, le cynisme et l’hypocrisie des alliés de Trump atteignent des niveaux stratosphériques. Ces parlementaires républicains s’acharnent à discréditer les institutions démocratiques de leur propre pays dans le but de faire des gains politiques.

Prenez Kevin McCarthy, leader républicain à la Chambre des représentants, qui pourfendait lundi la « politisation intolérable » du ministère de la Justice. Dans une déclaration, Kevin McCarthy a promis d’enquêter sur Merrick Garland, le procureur général des États-Unis. « Conservez vos documents et libérez votre agenda », l’a-t-il sommé.

« Conservez vos documents. » Autrement dit, ne faites pas comme Donald Trump, qui avait la fâcheuse habitude de bloquer les toilettes de la Maison-Blanche avec les documents dont il voulait se débarrasser.

Mais bon, l’ex-président peut bien laisser traîner des dossiers top-secret à Mar-a-Lago avec la désinvolture d’un Maxime Bernier chez Julie Couillard, ce n’est pas Kevin McCarthy qui lui en tiendra rigueur. Il n’y a pas un mot à ce sujet dans sa déclaration. Après tout, que peut bien valoir cette vieille paperasse ?

C’est pourtant bien le même Kevin McCarthy qui avait fustigé le « manque de jugement fondamental » de Hillary Clinton et son « mépris total pour la protection de la confidentialité des informations », en 2016, lorsqu’il avait été révélé que l’ancienne secrétaire d’État s’était servie de son compte de courriels privé dans le cadre de ses fonctions.

Ce sont les mêmes partisans de Trump, à l’époque, qui scandaient : Lock her up !

Cette fois-ci, étrangement, personne ne scande Lock him up…

Quoi qu’en dise Donald Trump, les États-Unis n’ont rien d’une république bananière.

Pour mener cette perquisition, les agents du FBI ont dû obtenir un mandat auprès d’un juge fédéral. Ils ont dû le convaincre qu’un crime a probablement été commis par l’ex-président.

On présume que les preuves présentées au juge étaient solides. Un coup d’épée dans l’eau ferait le jeu de Trump, qui compte regagner la Maison-Blanche en 2024, en se disant persécuté par des élites et des institutions corrompues.

Une stratégie électorale destructrice, peut-être, mais maintes fois éprouvée par les démagogues de la planète, dans ces pays rêvés où les présidents sont au-dessus des lois.