(Nations unies) Viols collectifs, enfants ciblés, snipers sur les toits : la « terreur » infligée par les gangs à la population haïtienne « se propage à un rythme alarmant », a alerté mercredi l’ONU, répétant son appel toujours sans réponse à envoyer une force internationale.

Ces trois derniers mois, « la criminalité des gangs a augmenté. La violence des gangs se propage à un rythme alarmant dans des zones précédemment considérées comme relativement sûres à Port-au-Prince et en dehors de la capitale », a lancé la nouvelle émissaire de l’ONU dans le pays Maria Isabel Salvador lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

« La violence terrifiante dans les zones où sévissent les gangs, y compris les violences sexuelles particulièrement contre les femmes et les filles, est emblématique de la terreur qui touche une grande partie de la population d’Haïti », dont près de la moitié (5,2 millions) a en outre besoin d’aide humanitaire, a-t-elle ajouté.

Les témoignages recueillis par l’ONU « montrent que les gangs continuent d’utiliser la violence sexuelle, y compris des viols collectifs, pour terroriser et infliger de la souffrance aux populations vivant dans des zones sous le contrôle de leurs rivaux », a insisté Maria Isabel Salvador, « profondément choquée » aussi par les snipers qui s’en prennent aux civils depuis les toits.

« Présence policière limitée ou inexistante »

Maria Isabel Salvador s’est également alarmée de la situation des enfants, « parmi les victimes des crimes les plus haineux, y compris meurtres, enlèvements et viols », évoquant des élèves frappés par des tirs dans des salles de classe et d’autres enlevés devant les écoles.

Face à « une présence policière limitée ou inexistante », « certains habitants ont commencé à prendre les choses en main », a-t-elle noté, relatant un évènement qui s’est produit lundi lorsqu’« un groupe de civils s’est emparé de 13 membres présumés de gang détenus par la police, les a battus à mort et a brûlé leurs corps ».

« Plus inquiétant encore, nous notons de nouvelles dynamiques des groupes agissant hors de Port-au-Prince, directement impliqués dans le trafic d’armes de plus en plus sophistiqué et cherchant à enrôler de nouvelles recrues dans les camps de population déplacées », a déclaré Ghada Waly, directrice de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Un « peuple exaspéré »

Dans un rapport publié lundi, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a estimé que l’insécurité dans la capitale haïtienne a atteint des niveaux « comparables à ceux des pays en situation de guerre ».

Entre le 1er janvier et le 31 mars, le nombre d’homicides signalés a augmenté dans le pays de 21 % par rapport au précédent trimestre (815 contre 673), et le nombre d’enlèvements de 63 % (637 contre 391).

Dans ce contexte, l’ONU ne cesse de répéter son appel d’envoyer une force armée spécialisée internationale pour aider la police dépassée à rétablir l’ordre.

« Il faut agir vite avant qu’il ne soit trop tard », a insisté devant le Conseil le ministre haïtien des Affaires étrangères Jean Victor Généus, jugeant que la sécurité s’était « considérablement détériorée » depuis 48 heures.  

Les scènes épouvantables de violence dans les rues de la capitale traduisent la colère extrême d’un peuple exaspéré qui ne veut plus accepter de subir passivement la violence des gangs. [...] Le spectre effrayant d’affrontements violents se dessine déjà.

Jean Victor Généus, ministre haïtien des Affaires étrangères

António Guterres avait relayé en octobre un appel à l’aide du premier ministre haïtien Ariel Henry, demandant au Conseil de sécurité d’envoyer cette force. Mais sans résultat depuis : si quelques pays ont indiqué être prêts à y participer, aucun ne semble vouloir en prendre la tête.

« Les États-Unis continuent à travailler avec un nombre grandissant de partenaires internationaux pour soutenir les besoins urgents en matière de sécurité dans le pays », a commenté le représentant américain Jeffrey DeLaurentis, plaidant pour de nouvelles sanctions « contre ceux qui financent et fomentent la violence ».

Le Conseil de sécurité a mis en place en octobre un régime de sanctions individuelles qui pour l’instant ne concerne qu’une seule personne, le chef de gang Jimmy Cherizier, surnommé « Barbecue ».