(Port-au-Prince) Des centaines d’Haïtiens se pressent dans les bureaux des services migratoires à travers le pays pour déposer une demande de passeport, sésame indispensable pour espérer bénéficier des nouvelles mesures migratoires américaines, annoncées dimanche par le président Joe Biden.

La foule est si compacte devant le bureau central de l’immigration à Port-au-Prince que les agents gardent les grilles fermées et ne laissent entrer les personnes qu’au compte-gouttes.

Face à l’afflux de migrants à la frontière sud des États-Unis, le pays va autoriser l’entrée, chaque mois, de 30 000  personnes en provenance de Cuba,  Haïti, du Nicaragua et du Venezuela, mais elles devront arriver par avion.

Les candidats à ce nouveau programme migratoire doivent, par ailleurs, être parrainés par une personne résidant déjà aux États-Unis et pouvant justifier de revenus suffisants.

Dans la moiteur du hall du bâtiment de Port-au-Prince, les bancs ne désemplissent pas de candidats à l’exil.  

« J’ai quatre sœurs, treize nièces et neveux qui sont citoyens américains. Et certains sont membres de l’armée, » détaille Magalie Chauvert, confiante de pouvoir obtenir le droit d’entrer dans le grand pays voisin.  

Officiellement, un passeport haïtien est délivré contre le paiement d’un timbre fiscal de 8000 gourdes - la monnaie haïtienne - soit un peu plus de 70 dollars canadiens.  

Face à la lenteur du service et la corruption endémique au sein de cette administration, les citoyens désireux d’obtenir leur document rapidement paient plus souvent le double du prix, via des agences spécialisées.  

Et, depuis lundi, ce tarif informel ne cesse de grimper devant la forte augmentation de nouvelles demandes.  

Englué dans une crise politique profonde depuis des années, Haïti ne dispose plus aujourd’hui d’aucune représentant élu au niveau national faute d’élections tenues à temps.  

L’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021 a accéléré l’emprise territoriale des gangs qui commettent quotidiennement des enlèvements crapuleux, principalement dans la capitale Port-au-Prince.

C’est pour fuir cette insécurité et l’extrême pauvreté que les personnes se pressent aujourd’hui dans les administrations publiques dont les employés, débordés, ne peuvent garantir un délai sous lesquels les passeports demandés seront disponibles.  

Pierre Eder attend encore d’être reçu à un guichet.  

« Je ne trahirai jamais mon pays, je resterai toujours Haïtien, » affirme fièrement le jeune homme, « mais je vis dans un pays qui ne fonctionne pas, qui ne respecte pas les gens et ne valorise pas les jeunes », déplore le candidat à l’émigration pour les États-Unis.