(La Havane) Les Cubains sont appelés dimanche à se prononcer par référendum sur un nouveau Code de la famille qui autorise notamment le mariage homosexuel et la gestation pour autrui, un type de scrutin peu habituel qui pourrait avoir valeur de test pour le gouvernement.

Plus de huit millions de Cubains vont pour la première fois voter une loi par référendum à l’occasion de ce scrutin non obligatoire et à bulletin secret, dernière étape d’un long processus, trois ans après une première tentative avortée d’intégrer le mariage entre personnes de même sexe dans la Constitution.  

Le code, qui doit remplacer celui en vigueur depuis 1975, veut introduire la possibilité de reconnaître légalement plusieurs pères et mères, outre les parents biologiques, et la gestation pour autrui, sans échange d’argent.

Autre grande nouveauté : la définition du mariage comme l’union « entre deux personnes », ce qui ouvre la porte au mariage homosexuel et à l’adoption par les couples de même sexe.

Dans une société encore empreinte de machisme et dont le gouvernement a marginalisé les homosexuels dans les années 1960 et 1970 avant de faire amende honorable, le « Oui » a fait l’objet d’une intense campagne de communication dans les médias officiels et sur les réseaux sociaux.

« Le Code des familles représente l’espoir de milliers de personnes marquées par des histoires douloureuses d’exclusion et de silence. Des êtres humains qui ont souffert et souffrent encore des manques de notre législation », a souligné le président Miguel Diaz-Canel sur Twitter.  

« Payer la facture »

À l’inverse, le « Non » n’a fait l’objet d’aucune campagne, des militants et dissidents, s’appuyant sur les réseaux sociaux, ont appelé en ordre dispersé à voter contre ou à s’abstenir.  

La dissidente Martha Beatriz Roque, opposante de longue date au pouvoir cubain, estime que le résultat final « est déjà connu » en faveur du texte, sans « respecter les droits des personnes ».

Avant son approbation par le Parlement en juillet, le code de la famille — qui définit aussi les violences familiales sexuelles et sexistes et permet aux mineurs de conserver un lien avec leurs grands-parents et proches en cas de divorce de leurs parents — a fait l’objet d’une large consultation populaire pendant plusieurs mois.  

Cette consultation a conduit à la modification de près de 48 % du texte, selon les médias officiels.  

Plus d’un an après les manifestations historiques de juillet 2021 réclamant davantage de liberté, dans un contexte de très grave crise économique et d’émigration massive, une partie des électeurs pourrait toutefois être tentée par l’abstention ou par un vote de protestation.  

Certains vont s’abstenir ou vont voter « Non » pour « faire payer la facture de la crise au gouvernement » car c’est « une occasion unique d’approuver ou de désapprouver sa gestion », estime Arturo Lopez-Levy, politologue cubain à l’université Holy Names, en Californie.  

Selon lui, il est cependant « très improbable » que le « Non » l’emporte dimanche, même s’il n’exclut pas qu’il puisse atteindre de 25 à 30 % des suffrages.  

En 2019, la nouvelle Constitution, également soumise à référendum — seuls les textes constitutionnels étaient jusque-là soumis à ce type de scrutin — avait été approuvée par 78 % des électeurs, taux d’approbation le plus bas depuis la révolution de 1959.

« Un père et une mère »

Le gouvernement avait d’abord tenté d’inclure le mariage égalitaire dans cette nouvelle Constitution, avant de renoncer face au tollé des Églises évangélique et catholique qui ont une nouvelle fois exprimé leur opposition.

« Chaque enfant est un don et une fin en soi ; c’est le droit de l’enfant d’avoir un père et une mère », a déclaré dans un communiqué la Conférence des évêques de Cuba, également opposée à la gestation pour autrui.

« Les catholiques veulent nous laisser sans droits, c’est-à-dire nous effacer, et en plus ils demandent que l’on respecte leur discours d’exclusion au nom de la liberté d’expression », s’est indigné sur Twitter le journaliste et militant pour les communautés LGBTQ+, Maykel Gonzalez Vivero.

La loi sera approuvée si elle obtient plus de 50 % des suffrages et entrera dès lors en vigueur au lendemain des résultats.

En Amérique latine, le mariage homosexuel est légal dans sept pays : Argentine, Uruguay, Brésil, Colombie, Équateur, Costa Rica et Chili. Au Mexique, il est légal dans la capitale et 18 des 32 États du pays.