(Port-au-Prince) Le premier ministre haïtien a justifié lundi son maintien au pouvoir, en plein vide juridique sept mois après l’assassinat du président Jovenel Moïse, estimant que la crise dans ce pays le plus pauvre de la Caraïbe ne permettait pas de distraction politicienne.

« La situation du pays est trop grave pour que l’on perde notre temps à tenir un jeu de chaises musicales à la tête de l’État », a déclaré Ariel Henry.

« Personne n’a ni l’autorité ni le droit pour se réunir dans un hôtel ou à l’étranger pour décider, en petit comité, de qui sera président ou premier ministre », a critiqué le chef du gouvernement, tout en appelant au dialogue.

Depuis le début de l’année, plusieurs groupes de l’opposition ont organisé des réunions, en Haïti et aux États-Unis, afin de nommer des dirigeants pour d’éventuels régimes de transition.

Ce 7 février aurait dû être une journée de passation du pouvoir présidentiel, la Constitution retenant cette date en souvenir de la chute de la dictature des Duvalier, en 1986.

Mais depuis l’attentat ayant coûté la vie cet été à Jovenel Moïse, la classe politique ne parvient pas à trouver de consensus.

Les rues de la capitale Port-au-Prince ont été désertées ce lundi par ses habitants qui craignaient d’éventuelles manifestations violentes.  

Aucun incident majeur n’a cependant été rapporté dans la ville où plusieurs enlèvements et actes violents ont été commis par les gangs au cours du week-end.  

Depuis juillet, Ariel Henry souffrait déjà d’un manque de légitimité, n’ayant pas été officiellement installé dans ses fonctions, car nommé par Jovenel Moïse deux jours seulement avant son assassinat.  

Aujourd’hui, ses opposants contestent son maintien en poste au-delà de ce 7 février.

Avant l’allocution du premier ministre, le président du Sénat a déclaré qu’Ariel Henry n’avait autorité que jusqu’à minuit, heure après laquelle il ne devait plus gérer que les affaires courantes.  

Mais, face à une opposition divisée, et bénéficiant du soutien de la communauté internationale, Ariel Henry a renouvelé lundi son projet d’organiser au plus tôt des élections ainsi qu’une consultation populaire pour l’adoption d’une nouvelle constitution.  

S’il affirme que c’est « dans le dialogue que va (se) reconstruire l’État de droit », le chef du gouvernement reconnaît que cet agenda politique nécessite une réduction de l’insécurité.  

« Il faut arrêter tous les terroristes qui tirent sur les innocents qui passent, qui kidnappent tant les personnes âgées que les enfants », a affirmé Ariel Henry lors de son allocution lundi.

Haïti est, depuis des mois, sous la coupe réglée de gangs dont l’emprise s’est largement étendue au-delà des quartiers défavorisés de Port-au-Prince.