(Port-au-Prince) Des associations haïtiennes de magistrats ont dénoncé vendredi l’arrestation d’un juge de la Cour de cassation et ont salué l’annonce par son avocat de sa libération, cinq jours après son placement en détention pour « tentative de coup d’État » selon les autorités.

« La magistrature dans son ensemble s’est levée unie pour dire que l’arrestation du juge Dabresil n’est pas bonne. […] Nous avons obtenu la libération du magistrat », s’est félicité Me Jean Wilner Morin, président de l’Association nationale des magistrats haïtiens.

Yvickel Dabresil figurait parmi un groupe de 23 personnes arrêtées par la police dans la nuit de samedi à dimanche et accusées par les autorités de « tentative de coup d’État ».

« L’arrestation du juge Yvickel Dabresil a été faite en marge de la loi », a déploré vendredi Me Morin. « On ne sait pas si quelqu’un a tort ou raison, ce que l’on sait, c’est qu’il y a des procédures de tracées pour l’arrestation d’un magistrat », a-t-il rappelé lors d’une conférence de presse à Port-au-Prince.

Selon la Constitution haïtienne, les juges de la Cour de cassation ne peuvent être mis en accusation que si deux tiers des députés le décident.

Cette procédure n’a pu être respectée dans le cas du juge Dabresil : faute de nouvelles élections, le mandat des députés haïtiens a pris fin il y a un an.

Les associations de magistrats participant à la conférence de presse, dont celle de Me Morin, ont également tenu à rappeler les juges à leur devoir de neutralité.

« Nous avons des devoirs de réserve : un magistrat n’est pas un leader politique, un magistrat n’est pas un militant politique », a martelé Me Jean Wilner Morin.

Il a ainsi semblé s’adresser tout autant au juge Dabresil qu’aux trois juges que le président haïtien Jovenel Moïse a nommés à la Cour de cassation via un arrêté publié vendredi et dénoncé comme illégal par l’opposition.

Si le chef de l’État a le pouvoir de nommer les magistrats à la plus haute cour d’appel d’Haïti, il ne peut le faire que sur proposition du Sénat.

Or cette procédure n’a pas non plus pu être respectée, car, en raison de la non-tenue des scrutins, Haïti ne compte plus aujourd’hui qu’un tiers de sénateurs en fonction.

Les accusations de « tentative de coup d’État » portées le week-end dernier par les autorités ont été reçues avec scepticisme par l’opposition et la société civile, qui dénoncent des arrestations politiques et illégales.

M. Moïse soutient que son mandat à la tête du pays caribéen court jusqu’au 7 février 2022. Mais cette date est dénoncée par une partie de la classe politique haïtienne, selon qui le mandat de cinq ans de Jovenel Moïse est arrivé à terme le 7 février dernier.

Ce désaccord de date tient au fait que M. Moïse avait été élu lors d’un scrutin annulé pour fraudes, puis réélu un an plus tard.