(La Havane) Des bandes jaunes de police qui ceinturent un quartier de 12 000 habitants placé en quarantaine, La Havane sous couvre-feu : Cuba est confronté à un regain de cas de coronavirus, même si le pays reste l’un des moins touchés en Amérique latine.

En réaction, les autorités locales ont annoncé que la capitale repasserait vendredi soir sous couvre-feu (de 21 h à 5 h) pour une durée indéterminée, après l’avoir déjà été un mois en septembre.

Déjà, certaines zones de la ville ont été placées en quarantaine, comme le quartier Los Sitios — berceau du compositeur du tube mondial « Guantanamera » —, qui fait partie de Centro Habana, zone de plus forte concentration d’habitants du pays : 150 000 personnes sur 3,4 kilomètres carrés, plus 150 000 autres venant y travailler ou faire leurs achats tous les jours.

« Nous avons beaucoup de cas par ici et pour éviter la propagation, on ne laisse entrer ni sortir personne », explique à l’AFP Yamilet Gutierrez, masque en tissu sur le visage, chargée avec un militaire de bloquer le passage devant l’une des rues.

À Los Sitios, où 12 000 personnes vivent dans des logements souvent décatis, les rues sont d’habitude le théâtre d’un va-et-vient permanent, car les Cubains doivent sortir presque chaque jour chercher à manger, dans cette île aux interminables files d’attente.

Plus pour le moment : « On a pris des mesures pour que les personnes ne sortent pas de chez elles, avec des coursiers qui s’occupent de leur acheter du lait, des aliments de base », assure Yamilet.

Situation « très complexe »

Frank Soto, chercheur de 30 ans vivant dans ce quartier, prend son mal en patience. « La zone est fermée depuis presque une semaine et on doit être à l’isolement 14 jours au moins ».

Mais la mesure « était nécessaire, car c’est une zone très peuplée, il y a beaucoup de mouvements de personnes et le virus a plus de probabilités de se propager ».

Le temps est bien loin où Cuba semblait avoir maîtrisé avec brio l’épidémie sur son territoire, ne rapportant que quelques dizaines de cas par jour.

L’ouverture des frontières début novembre, puis l’arrivée en masse de visiteurs de l’étranger — surtout des Cubano-Américains venus voir leurs familles — pendant les fêtes ont fait dérailler ce scénario.

Jeudi, l’île de 11,2 millions d’habitants a annoncé 816 nouveaux cas, portant le total à 30 345 cas, dont 225 décès.

Même si ces chiffres demeurent bas par rapport au reste du continent américain, ils inquiètent dans ce pays sous strict embargo des États-Unis, où les pénuries d’aliments et de médicaments sont récurrentes.

« La situation à Cuba est très complexe », a reconnu le professeur Francisco Duran, chef du département épidémiologie du ministère de la Santé, qui donne chaque jour les chiffres à la télévision.

Il a souligné « la sévérité du processus épidémique, qui demande de plus en plus la participation active et responsable de notre population ».

Inévitables files d’attente

Les projections de l’université de La Havane tablent sur un pic d’environ 1600 cas quotidiens début mars.

« Maintenant, les cas augmentent partout dans le monde, donc c’est normal » que Cuba n’y échappe pas, soupire, résigné, Arnaldo Coro, 26 ans, tandis qu’il patiente dans la queue face à une boulangerie du quartier Vedado.

Et ouvrir les frontières était une chose nécessaire, reconnaît-il : « Le pays vit du tourisme ! Que voulais-tu qu’il fasse ? Il n’y a pas d’argent pour payer les importations de nourriture, donc la situation est grave ». Cuba importe généralement 80 % de ce qui y est consommé.

Pour contenir cette deuxième vague, le pays a récemment décidé de fermer écoles, restaurants, bars et plages. À partir de samedi, toute personne entrant à Cuba devra observer une quarantaine en hôtel ou dans un centre d’isolement.

Mais difficile d’empêcher les files d’attente partout dans le pays : dans le Vedado, Rebeca Luis, 49 ans, attend déjà depuis trois heures face à la supérette.

À Cuba, « tu sais à quelle heure tu sors, mais tu ne sais jamais à quelle heure tu rentres, car il y a toujours la queue devant les magasins ! », explique cette mère de trois enfants, qui doit aussi trouver à manger pour son petit-fils.