Émeutes en Guadeloupe et en Martinique. Appel au boycottage du référendum sur l’indépendance en Nouvelle-Calédonie… La colère gronde sur fond de COVID-19 dans les Territoires français d’outre-mer. Nos journalistes Agnès Gruda et Jean-Christophe Laurence font le point sur ces tempêtes tropicales qui inquiètent la métropole.

Nouvelle-Calédonie : le référendum de l’incertitude

PHOTO THEO ROUBY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un partisan de l'indépendance coiffé du drapeau du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) participe à la commémoration de la prise de la Nouvelle-Calédonie par la France, à Nouméa, le 24 septembre 2020.

Les habitants du « Caillou » doivent se prononcer dimanche sur leur indépendance face à la France. Mais les leaders du Oui appellent à boycotter le vote. Avec quelles conséquences ?

Pour la troisième fois en quatre ans, les habitants de la Nouvelle-Calédonie doivent se prononcer sur leur indépendance. Ce référendum « de la dernière chance » devait régler la question pour de bon : rester avec la France ou pas ?

À quelques heures du vote qui a lieu demain, c’est plutôt l’incertitude qui règne. Tandis que les leaders du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) appellent au boycottage du scrutin, les risques de tensions se multiplient et s’ajoutent aux interrogations sur l’avenir de ce territoire français d’outre-mer, situé dans le Pacifique Sud, à un jet de pierre de l’Australie.

Les deux premiers référendums, clairement remportés par le Non en 2018 (56,7 % contre 43,3 %) et en 2020 (53,3 % contre 46,7 %), avaient pourtant enregistré un taux de participation dépassant les 80 %.

Que s’est-il donc passé ?

Quand la COVID-19 s’invite dans la campagne

Les loyalistes (majoritairement blancs, descendants de colons français) souhaitaient en finir au plus vite. Les indépendantistes, majoritairement kanaks (autochtones océaniens), auraient souhaité plus de temps. Le gouvernement français, lui, voulait éviter que ce vote crucial s’invite dans la campagne présidentielle, qui culminera en avril prochain.

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Des loyalistes manifestent dans la capitale pour réclamer le droit de circuler librement après une semaine de barrages routiers et de blocages instaurés par des mouvements indépendantistes opposés à la reprise d’une usine de traitement de nickel par un consortium, le 12 décembre 2020.

C’est finalement le 12 décembre qui s’est imposé comme un compromis acceptable pour la tenue du troisième et dernier référendum sur l’indépendance, prévu en 1998 par l’accord de Nouméa.

Mais l’arrivée de la crise sanitaire a changé la donne.

Jusqu’ici épargné, le « Caillou » a été frappé de plein fouet par la COVID-19 au début de l’automne, enregistrant près de 300 morts (sur une population de moins de 300 000 habitants), dont la plus grande majorité dans la communauté kanake, pour qui les traditions exigent un protocole funéraire long et complexe. Vu ce contexte peu favorable, les indépendantistes ont demandé à ce que le scrutin soit reporté.

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Louis Mapou, président indépendantiste du gouvernement calédonien (au centre), s’entretient avec le porte-parole de l’exécutif, Yannick Slamet, lors d’une séance du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, une assemblée délibérante, à Nouméa, le 25 novembre.

L’épidémie étant en recul depuis des semaines, même si la circulation du virus reste active, le gouvernement a toutefois décidé de maintenir le scrutin, une décision dénoncée par le FLNKS.

Le fait que le gouvernement ait fait fi de nos us et coutumes représente pour le peuple kanak un affront. Et les conditions sanitaires n’arrangent rien à la sérénité d’une campagne électorale pour le Oui à l’indépendance.

François Kare, représentant du FLNKS en France

Un résultat légitime ?

En réaction à cet « affront », les leaders indépendantistes prônent depuis le boycottage du référendum, une stratégie visant à rendre le résultat du scrutin « politiquement caduc », explique François Kare, en cachant mal sa colère.

Pour l’instant, il n’existe aucun chiffre sur les intentions de vote. Mais selon les experts joints par La Presse, il est probable que les consignes du FLNKS seront suivies par une partie du camp indépendantiste, qui représente environ 48 % des électeurs, si on se fie au score du référendum de 2020.

Le ministre français des Outre-mer, Sébastien Lecornu (qui en a décidément plein les bras, puisqu’il gère aussi les émeutes dans les Antilles), a affirmé que le plébiscite serait « légitime », même sans la participation des indépendantistes.

Mais cette position ne convainc pas Sarah Mohamed-Gaillard, chercheuse à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO).

Comment, en effet, reconnaître un référendum auquel les premiers concernés n’auraient pas pris part ? Pour cette spécialiste de la région, cette situation pose de sérieuses questions de légitimité.

« Ce sera une victoire juridique, mais ça ne sera pas une victoire politique, parce que le résultat ne voudra rien dire », lance-t-elle en évoquant le rôle fondamental des Kanaks dans ce dossier politique complexe, ouvert à la fin des années 1980 (accord de Matignon, puis de Nouméa).

Gérer la frustration

En outre, quelles discussions après un scrutin aussi contesté ? Quel que soit le résultat, il est prévu que les deux camps réfléchissent à l’avenir politique du territoire.

Le problème, c’est que « les bases ne sont pas bonnes pour une conversation », signale Isabelle Merle, chercheuse au Centre de recherche et de documentation sur l’Océanie (CREDO).

Le Non aura triomphé, mais à la fin, ils n’auront rien réglé du tout. Parce que les loyalistes seront tout seuls avec leurs 60 % ou leurs 55 %. […] Les indépendantistes sont tellement mécontents de la façon dont ça se passe qu’ils ne veulent même plus discuter avec les loyalistes, qu’ils ne considèrent plus comme des interlocuteurs dignes.

Isabelle Merle, chercheuse au Centre de recherche et de documentation sur l’Océanie (CREDO)

« Ils se voient déjà en discussions bilatérales avec le prochain gouvernement », dit la chercheuse.

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Aloisio Sako, président du Rassemblement démocratique océanien, parti indépendantiste faisant partie du FLNKS, en septembre 2020

Un référendum sans les Kanaks ne serait « pas plus défendable aux yeux de l’international », ajoute Mme Merle, étant donné que la Nouvelle-Calédonie figure sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU.

Le gouvernement français, lui, se prépare déjà à « gérer la frustration », souligne Sarah Mohamed-Gaillard : 2000 gendarmes ont été déployés sur le territoire en cas de troubles. Ce ne serait pas la première fois. Depuis la montée indépendantiste du début des années 1980, la Nouvelle-Calédonie a été marquée par de nombreux évènements violents, dont le pic demeure le drame de la grotte d’Ouvéa, qui s’était conclu avec la mort de 19 indépendantistes, 4 gendarmes et 2 militaires, et qui reste gravé dans les mémoires.

Cette semaine, le leader du parti La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a « adjuré » l’exécutif de remettre le référendum, au risque d’ajouter des complications à ce dossier complexe et délicat.

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ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Jean-Luc Mélenchon, à Paris, le 17 novembre

« En refusant d’entendre la demande de report du référendum, Emmanuel Macron prend le risque de briser cet équilibre », a mis en avant M. Mélenchon.

Dans le cas contraire, il met en garde le chef de l’État qu’il prendrait « la responsabilité de recréer les conditions du conflit actuellement apaisé ».

— Avec l’Agence France-Presse

Pour une réparation de l’histoire

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Les tours Magenta, HLM de la capitale, le 22 novembre. Ensemble urbain composé de 15 tours construit dans les années 1970, symbole de l’inégalité sociale sévissant dans l’île.

Pour le FLNKS, l’accession à l’indépendance reste la seule façon de tourner la page coloniale après 168 ans, ce qui permettrait aux Kanaks de sortir de la marginalité sociale et économique, alors qu’ils représentent 71 % des pauvres dans l’île.

Le succès de cette indépendance serait garanti par les ressources naturelles et maritimes de la Nouvelle-Calédonie, qui possède notamment l’une des plus grandes réserves de nickel au monde.

Mais les anti-indépendantistes craignent qu’une Nouvelle-Calédonie souveraine se traduise par une détérioration du niveau de la vie, puisqu’elle perdrait son principal bailleur de fonds, la France.

L’autre inquiétude est que cette indépendance profite à la Chine, qui pourrait combler le vide laissé par le départ des Français. À moins que Paris et Nouméa signent une sorte de partenariat (souveraineté-association ?) qui prolongerait la relation sous une forme plus égalitaire.

En France, on est conscient de l’intérêt géopolitique du « Caillou ». La Nouvelle-Calédonie joue un rôle de premier plan pour les ambitions stratégiques de la France dans la région indopacifique, notamment sur le plan militaire. Et puis il y a la crainte d’un effet domino : « Si un territoire d’outre-mer important bascule, comment on va faire pour garder les autres ? », demande Sarah Mohamed-Gaillard.

La demande de souveraineté par le peuple kanak est pourtant « une demande fondamentale de restitution de l’histoire ou de réparation de l’histoire », souligne Isabelle Merle, rappelant que la Nouvelle-Calédonie est devenue une colonie française en 1853, puis un lieu de bagne (1864-1896), avant de devenir un territoire d’outre-mer en 1946, permettant aux Kanaks d’obtenir la nationalité française, puis le droit de vote.

Antilles : la révolte suspendue

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Manifestation contre l’obligation vaccinale imposée aux pompiers et au personnel soignant, aux Abymes, en banlieue de Pointe-à-Pitre, le 24 novembre

Le report de l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale pour le personnel soignant et des discussions avec Paris ont apaisé la révolte qui embrasait la Guadeloupe et la Martinique à la mi-novembre. Début de solution ou partie remise ?

La quatrième vague de COVID-19 a déferlé sur les Antilles françaises avec la violence d’une tempête tropicale. À la mi-août, la Guadeloupe, cet archipel de moins de 400 000 habitants, enregistrait jusqu’à 1200 cas par jour. C’est l’équivalent de 24 000 contaminations quotidiennes à l’échelle du Québec.

Les hôpitaux qui débordent, la mortalité qui explose – la pandémie qui avait jusque-là relativement épargné la Guadeloupe et la Martinique s’y est répandue d’autant plus aisément que la couverture vaccinale y est famélique.

Encore aujourd’hui, à peine le tiers des Guadeloupéens et des Martiniquais ont reçu deux doses de vaccin anti-COVID-19. Loin, très loin derrière le taux de vaccination de 75 % de l’ensemble des Français.

Pourtant, quand Paris a voulu imposer le vaccin aux pompiers et au personnel soignant de ces territoires d’outre-mer, il s’est heurté à un mur.

  • Un militant fait flotter un drapeau martiniquais, lors d’une mobilisation contre les mesures sanitaires, à Fort-de-France, le 28 novembre.

    PHOTO RICARDO ARDUENGO, ARCHIVES REUTERS

    Un militant fait flotter un drapeau martiniquais, lors d’une mobilisation contre les mesures sanitaires, à Fort-de-France, le 28 novembre.

  • Un manifestant brandit un fumigène, à Fort-de-France, le 28 novembre.

    PHOTO RICARDO ARDUENGO, ARCHIVES REUTERS

    Un manifestant brandit un fumigène, à Fort-de-France, le 28 novembre.

  • Manifestation contre les mesures sanitaires à Pointe-à-Pitre, le 27 novembre. Sur une pancarte tenue par un participant, on peut lire : « Sortir de la crise ? C’est simple ! Zéro obligation. »

    PHOTO CHRISTOPHE ARCHAMBAULT,
ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Manifestation contre les mesures sanitaires à Pointe-à-Pitre, le 27 novembre. Sur une pancarte tenue par un participant, on peut lire : « Sortir de la crise ? C’est simple ! Zéro obligation. »

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La réponse a été cinglante : grève générale, barrages routiers, manifestations, vandalisme. Et la colère qui s’est enflammée tant en Guadeloupe qu’en Martinique a vite débordé l’enjeu de l’obligation vaccinale.

Tensions

Il faut dire que tout au cours de l’été, la Guadeloupe bouillonnait sous une surface calme. « Il y avait beaucoup de tensions, ça grondait depuis un moment », dit la sociologue et anthropologue Stéphanie Mulet, rattachée à l’Université de Toulouse.

  • Barrage routier dans le quartier La Boucan, à Sainte-Rose, en Guadeloupe, le 30 novembre. « République de La Boucan » peut-on lire au sol.

    PHOTO CHRISTOPHE ARCHAMBAULT,
ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Barrage routier dans le quartier La Boucan, à Sainte-Rose, en Guadeloupe, le 30 novembre. « République de La Boucan » peut-on lire au sol.

  • Immeuble et véhicule incendiés lors des émeutes, à Pointe-à-Pitre, le 21 novembre

    PHOTO LARA BALAIS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Immeuble et véhicule incendiés lors des émeutes, à Pointe-à-Pitre, le 21 novembre

  • Des policiers de la Brigade anti-criminalité (BAC), à Lamentin, en Martinique, le 1er décembre

    PHOTO ALAIN JOCARD, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Des policiers de la Brigade anti-criminalité (BAC), à Lamentin, en Martinique, le 1er décembre

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Avec l’obligation vaccinale qui devait entrer en vigueur le 15 septembre, la colère a explosé, constate la spécialiste des Caraïbes.

Une colère qui se nourrit des inégalités sociales qui divisent la population des Antilles, du chômage qui touche un jeune adulte sur trois, du prix extravagant des denrées les plus banales – tous citent le prix de la laitue, qui se vend près de 10 $ – et d’un sentiment général de déclin et d’abandon.

Employé du port de Pointe-à-Pitre, Éric Jean montre du doigt le réseau de distribution d’eau « pourri », qui laisse des secteurs entiers sans eau pendant des semaines.

Au moment de la décolonisation, le pays était à terre. En devenant un département de la France, nous croyions pouvoir sortir de la misère, mais cette promesse de développement n’a pas été vraiment réalisée.

Éric Jean, travailleur du port de Pointe-à-Pitre

En arrière-plan de ces frustrations se profile la question raciale.

« En Guadeloupe, il y a des problèmes structurels, une répartition des richesses qui datent de l’abolition de l’esclavage », souligne l’essayiste guadeloupéenne Patricia Braflan-Trobo.

PHOTO FOURNIE PAR PATRICIA BRAFLAN-TROBO

Patricia Braflan-Trobo, essayiste

La ligne raciale existe dans toutes les problématiques, les jeunes les plus touchés par le chômage sont ceux d’ascendance africaine.

Patricia Braflan-Trobo, essayiste

Ce phénomène est occulté par le pouvoir central.

Confiance rompue

Le sentiment de promesses rompues contribue à la méfiance envers l’État que l’on considère comme déconnecté des réalités des Antilles. Au point d’y avoir autorisé le recours à un pesticide, le chlordécone, dans les années 1970 et 1980, alors que son caractère toxique était déjà largement connu.

Pour beaucoup d’Antillais, le recours au chlordécone dans les bananeraies de la Guadeloupe et de la Martinique, c’est le symbole de l’indifférence de la métropole face à ses citoyens de l’autre bout du monde.

« Les gens ne croient plus l’État, il y a une défiance généralisée », dit Leslie Jacob, enseignante martiniquaise. Et cette méfiance face aux autorités nourrit le rejet de la vaccination.

Les gens se disent : “C’est leur vaccin et nous ne voulons pas de leur vaccin.”

Patricia Braflan-Trobo, essayiste

Ce climat de méfiance a aussi préparé la voie à des théories alternatives sur la manière de combattre la pandémie.

Certaines de ces théories prennent racine dans les traditions locales. Un pharmacien guadeloupéen bien connu distribue depuis longtemps un sirop à base d’une herbe locale, le Virapic, que l’on dit efficace pour soigner la grippe.

De nombreux Antillais sont convaincus que ce sirop peut atténuer les symptômes de la COVID-19.

Le passé colonial des Antilles a aussi contribué au rejet de la vaccination, souligne Stéphanie Mulot.

Certains Antillais la voient comme une « reproduction du rapport de domination coloniale, une agression contre le corps », explique-t-elle.

Pour beaucoup, dit-elle, « résister à l’obligation vaccinale équivalait à résister à la domination coloniale ».

Quelle autonomie ?

Face à la fronde, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a lancé l’idée de l’autonomie, qui a été immédiatement écartée par les syndicats et les organisations civiles à la tête du mouvement de contestation.

PHOTO CHRISTOPHE ARCHAMBAULT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, le 29 novembre

Car les Guadeloupéens et les Martiniquais ont beau être frustrés de leur situation, ils ne sont pas prêts à couper le cordon ombilical avec la métropole.

Un mouvement indépendantiste existe bel et bien en Guadeloupe depuis les années 1970, mais il reste relativement marginal.

La liste Nou, qui rassemble autonomistes et indépendantistes, est bien arrivée troisième au premier tour des élections régionales en Guadeloupe, en juin 2021, avec près de 10 % des voix. À l’échelle guadeloupéenne, c’est du jamais vu.

Avec ce vote sans précédent, les électeurs ont surtout voulu « mettre un pied dans la fourmilière pour exprimer leur insatisfaction face à la classe politique », explique Pierre-Yves Chicot, avocat et maître de conférence en droit public à l’Université des Antilles.

Mais de là à aspirer à l’indépendance, il y a un grand pas que la majorité ne souhaite pas franchir.

« La population n’est pas sur cette longueur d’onde, dit Pierre-Yves Chicot. Les gens veulent plutôt des services de qualité, des routes bien entretenues, un réseau de distribution d’eau fonctionnel, des prix moins prohibitifs. »

Les Antillais veulent aussi plus d’emprise sur les enjeux locaux, souligne Patricia Braflan-Trobo. « On veut pouvoir prendre des décisions sur l’embauche, ou protéger la propriété foncière contre la spéculation… »

Pour le reste, les Guadeloupéens se sentent « profondément français », note Pierre-Yves Chicot.

La République fait partie de notre identité.

Pierre-Yves Chicot, avocat et maître de conférence en droit public à l’Université des Antilles

Pour certains, l’offre d’autonomie est carrément insultante.

« Les gens ne veulent pas d’indépendance, ils veulent que les choses changent, ils veulent plus d’égalité », proteste l’enseignante martiniquaise Leslie Jacob.

Elle ajoute qu’elle a l’impression de vivre dans une cocotte minute : « Il suffit d’une étincelle pour que les gens se révoltent. »

PHOTO RICARDO ARDUENGO, ARCHIVES REUTERS

Une militante arborant un masque de Guy Fawkes participe à une manifestation contre les mesures sanitaires, à Fort-de-France, le 28 novembre. Sur le mur derrière elle, on peut lire en créole : « Rappelez-vous Fanon », en référence à Frantz Fanon, célèbre psychiatre et essayiste martiniquais.

L’explosion de la mi-novembre s’apaise peu à peu, tant en Guadeloupe qu’en Martinique. Les principaux barrages routiers ont été démantelés. Mais l’obligation vaccinale doit entrer en vigueur le 31 décembre.

Surtout, les frustrations des Antillais restent bien réelles.

Si rien ne change, avertit Patricia Braflan-Trobo, « la contestation reprendra inévitablement, dans un an, ou deux ou six ».