(Montréal et Jacmel, Haïti) Lorsque tout s’est mis à trembler samedi, Sabrina Bellefleur s’est jetée sur le sol pour se protéger. En sortant de sa maison, elle a constaté avec effroi qu’une foule s’était massée dans la rue en raison des demeures et immeubles effondrés. « On est sous le choc dans la ville des Cayes », a-t-elle lancé, devant l’ampleur du séisme.

Aux Cayes, ville la plus touchée d’Haïti, la protection civile haïtienne fait état de 160 morts. Le séisme d’une magnitude de 7,2, qui a frappé le sud du pays, est survenu en matinée. D’après l’Institut américain de géophysique (USGS), l’épicentre est à 12 km de la ville de Saint-Louis-du-Sud.

Près de là, à Aquin, Gédéon Delva a quitté sa chambre en catastrophe lorsque les secousses ont commencé. Dehors, il a constaté les « énormes » ravages, dont des « maisons fissurées et d’autres écrasées ». Dans les rues, « la situation est très tendue », ajoute le journaliste de la Gazette Haïti.

PHOTO TAMAS JEAN PIERRE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des habitants de Jérémie constatent les dégâts à la suite de la catastrophe.

Plus de 1800 personnes ont été blessées, beaucoup en régions reculées, où certaines routes sont bloquées par des débris. Des travaux étaient d’ailleurs en cours samedi soir pour débloquer la route entre Les Cayes et la ville de Jérémie, à l’ouest, à la suite d’un éboulement.

Des centaines de personnes se sont retrouvées coincées sous des dalles de béton après l’effondrement d’églises, de commerces et de maisons dans les villes du sud du pays. Les services de la protection civile ont salué les efforts de résidants pour sortir les autres des décombres. Parmi les victimes, l’ancien sénateur haïtien Gabriel Fortuné a péri aux Cayes, lorsque l’hôtel Le Manguier a été démoli par le séisme.

PHOTO RALPH TEDY EROL, ASSOCIATED PRESS

Vue aérienne de l’hôtel Le Manguier, qui a été complètement détruit aux Cayes

À Jérémie, ville de plus de 200 000 habitants, la toiture de la cathédrale s’est effondrée. « La grand-rue est bloquée, a détaillé à l’AFP Job Joseph, un résidant. C’est là qu’il y a toute l’activité économique de la ville. » « Les gens sont affolés, les parents sont avec leurs enfants dans les bras et quittent la ville, car il y a des rumeurs de tsunami », a affirmé un autre témoin, Tamas Jean Pierre, à l’AFP. Lancée par l’Agence nationale océanique, l’alerte de tsunami a ensuite été levée.

État d’urgence

Devant l’ampleur de la catastrophe, le premier ministre Ariel Henry a décrété l’« état d’urgence pour un mois ». Il a précisé, lors d’un point de presse, qu’il attendrait de connaître l’ampleur des dommages avant de faire une demande d’aide internationale.

Les besoins sont énormes. Nous devons prendre soin des blessés, mais aussi fournir de la nourriture, de l’aide, un abri temporaire et un soutien psychologique.

Ariel Henry, premier ministre d’Haïti

En attendant, l’hôpital de la ville des Cayes est débordé, déplore Sabrina Bellefleur. « C’est un SOS, on a besoin de médecins », ajoute-t-elle. C’est aussi le cas dans les autres villes touchées. « Même les pansements, on n’arrive pas à les faire [dans l’hôpital de la région] », a lancé avec émotion Kenson Bony, maire de la petite localité de Pestel, sur une radio de Port-au-Prince.

PHOTO JOSEPH ODELYN, ASSOCIATED PRESS

Scène de désolation aux Cayes, reflet de la puissance du séisme

Le ministère de la Santé a envoyé du personnel et acheminé des médicaments vers le sud-ouest du pays. Mais depuis début juin, des groupes armés contrôlent le quartier pauvre de Martissant, par lequel passe l’unique route qui relie Port-au-Prince à cette région.

PHOTO JOSEPH ODELYN, ASSOCIATED PRESS

Un homme tente de récupérer des biens dans sa maison détruite par le séisme aux Cayes.

« Nous savons tous que nous avons un problème sur Martissant, a déclaré le premier ministre Ariel Henry, samedi soir, lors d’un point de presse. Nous avons décidé que cette voie serait perméable, c’est-à-dire qu’il faut que toute l’aide puisse passer. »

Port-au-Prince épargnée

Plusieurs répliques de moindre magnitude ont été signalées une bonne partie de la journée samedi dans tout le pays, mais aucun dommage matériel n’a été signalé à Port-au-Prince.

« Ça a tremblé fort où je suis [à Port-au-Prince], raconte à La Presse Violine Thélusmas, vidéaste et productrice. C’est comme si je revivais le 12 janvier », se rappelle-t-elle en référence au puissant séisme de 2010, où plus de 200 000 personnes avaient été tuées et plus de 300 000 autres blessées. La catastrophe avait alors épargné le sud du pays.

Sur Twitter, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a déclaré que les personnes touchées par la catastrophe étaient dans les pensées des Canadiens. « Nous sommes de tout cœur avec ceux qui ont perdu des proches et ceux qui sont blessés et nous sommes prêts à apporter notre aide de toutes les façons possibles », a-t-il écrit.

Le président des États-Unis, Joe Biden, s’est dit « attristé par le tremblement de terre dévastateur », sur Twitter. Il a affirmé qu’avec l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), le gouvernement soutenait les efforts pour évaluer les dommages et reconstruire par la suite.

Onde de choc jusqu’à Montréal

L’onde de choc de samedi a eu des répercussions jusqu’à Montréal. Thomas Lalime raconte avoir tout de suite appelé ses proches en apprenant la nouvelle, « pour savoir s’ils étaient en vie ou s’ils étaient touchés ». Sa belle-famille, qui habite le sud, était saine et sauve, confirme l’économiste et chroniqueur au quotidien haïtien Le Nouvelliste, qui vit au Québec.

Thomas Lalime déplore le peu de mesures prises ces dernières années pour se préparer à une telle catastrophe. « Malheureusement, on peut dire qu’après l’expérience redoutable du 12 janvier 2010, on n’a pas trop tiré de leçons », fait-il valoir.

Avec la dégradation des conditions de vie depuis 10 ans, les habitants sont d’autant plus vulnérables, selon l’économiste. Sans parler des crises politiques, qui s’ajoutent aux catastrophes naturelles.

Rappelons que le 7 juillet dernier, le président Jovenel Moïse a été assassiné à sa résidence par un commando armé. L’enquête pour élucider les circonstances de cet attentat est en cours.

La classe politique « de tout cœur » avec les Haïtiens

Toutes les personnes touchées par le tremblement de terre dévastateur en Haïti sont dans les pensées des Canadiens. Nous sommes de tout cœur avec ceux qui ont perdu des proches et ceux qui sont blessés et nous sommes prêts à apporter notre aide de toutes les façons possibles.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Mes pensées vont au peuple haïtien qui doit encore subir une telle tragédie. Le Québec est avec vous. Mes condoléances aux proches des victimes.

François Legault, premier ministre du Québec 

Rebecca et moi pensons [au peuple d’Haïti et prions pour lui].

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur du Canada

Le destin n’en finit plus de s’acharner sur nos sœurs et frères d’Haïti. Puissent nos pensées et notre solidarité soutenir le courage de ce grand peuple éprouvé.

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

La dévastation provoquée par le tremblement de terre en Haïti est déchirante. Toute mon affection va aux familles touchées par cette tragédie. Mes pensées sont avec vous.

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

L’horreur frappe. Je suis de tout cœur avec les Haïtiens dans le sud du pays.

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

En solidarité avec le peuple haïtien à la suite du terrible tremblement de terre de ce matin, Montréal participera financièrement aux efforts internationaux. Nous sommes en contact avec la [Croix-Rouge] pour organiser l’aide d’urgence.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Alors que les temps sont déjà durs pour le peuple d’Haïti, je suis attristé par le tremblement de terre dévastateur qui s’est produit à Saint-Louis-du-Sud à Haïti, [samedi] matin. Avec [l’Agence des États-Unis pour le développement international], nous soutenons les efforts pour évaluer les dommages et soutenons les efforts pour rebâtir.

Joe Biden, président des États-Unis