Avec l’assistance d’agents américains et colombiens dépêchés à Port-au-Prince, l’enquête sur l’assassinat du président Jovenel Moïse avance à pas de géant. Mercredi soir, la police haïtienne a annoncé avoir saisi un arsenal, arrêté deux nouveaux suspects, placé quatre de ses agents en isolement et identifié un prêteur hypothécaire floridien qui aurait participé au financement de l’opération.

« L’enquête est très avancée », a déclaré le chef de la police nationale haïtienne, Léon Charles. Il a pris soin de préciser que dès le lendemain de l’assassinat du président, des mercenaires ont été capturés dans ce qu’il a qualifié d’opération policière menée « avec le support de la population ». Il a demandé aux citoyens de continuer d’aider à la traque des fugitifs restants.

« Nous sommes à la recherche de ces assassins, et où qu’ils aillent, nous devons les capturer, les arrêter et les traduire devant la justice », a-t-il déclaré.

Armes longues, pistolets, grenades à fragmentation

Reynaldo Corvington, le dirigeant d’une firme haïtienne de sécurité privée qui prétend avoir déjà eu comme cliente la filiale locale de la Banque Scotia, est l’un des deux nouveaux suspects arrêtés, tout comme son assistant-gérant, Gilbert Dragon, un des anciens leaders rebelles qui avaient participé à un soulèvement armé contre le président Jean-Bertrand Aristide en 2004.

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Reynaldo Corvington, patron d’une agence de sécurité privée haïtienne

Chez les deux hommes, la police dit avoir saisi un grand nombre d’armes longues, de pistolets, de munitions, des grenades à fragmentation, des gilets pare-balles et un sabre.

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Gilbert Dragon, un des anciens leaders de la rébellion armée contre le président Jean-Bertrand Aristide en 2004.

D’autres avis de recherche ont été lancés contre de présumés complices, dont Phénil Gordon Désir, qui a fait plusieurs apparitions dans les médias haïtiens à titre de secrétaire exécutif d’un parti politique d’opposition ces dernières années.

Un autre suspect recherché depuis mardi est Joseph Félix Badio, un ancien fonctionnaire du ministère de la Justice qui avait été congédié en mai de son poste à l’Unité de lutte contre la corruption d’Haïti. La police lui attribue maintenant un rôle majeur dans l’opération. Il aurait loué une maison près de celle du président pendant les préparatifs, aurait facilité l’achat de matériel, fourni des gyrophares et sirènes pour les véhicules des assaillants, ainsi que des munitions, des gilets pare-balles, des véhicules, de fausses plaques d’immatriculation et de faux locaux de la DEA, l’agence antidrogue américaine.

Ce sont maintenant 18 Colombiens et 5 Haïtiens qui sont détenus, dont Christian Emmanuel Sanon, l’ancien vice-président d’un organisme d’aide au développement québécois qui vivait entre la Floride et Haïti et qui ambitionnait de devenir président à la place de Jovenel Moïse.

Interrogations sur l’absence de protection du président

Quatre policiers ont été placés en isolement pour la durée de l’enquête, a annoncé Léon Charles, puisque des interrogations subsistent sur la facilité avec laquelle les assaillants ont eu accès au président.

La police a identifié Walter Veintemilla, un prêteur hypothécaire de la Floride, comme un possible financier de l’opération qui aurait accueilli des réunions de comploteurs à ses bureaux. Il n’a pas été retracé pour l’instant.

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La police dit avoir saisi cette photo d’une réunion de planification des conspirateurs.

Les policiers ont diffusé aux médias une photo qu’ils croient avoir été prise lors d’une réunion de planification de l’opération. On y voit plusieurs des suspects avec M. Veintemilla et Antonio Intriago, le patron d’une agence de sécurité privée floridienne qui aurait recruté les mercenaires colombiens. Lui aussi semble avoir disparu pour l’instant.

La police haïtienne croit que tous les mercenaires ont pris l’avion en Colombie et sont arrivés en République dominicaine, à Santo Domingo et Punta Cana. Ils auraient ensuite voyagé par la route vers Port-au-Prince.

Avec l’Associated Press