(Washington) Les dons des particuliers ont afflué après le passage de l’ouragan dévastateur Dorian sur les Bahamas où les organisations caritatives et le gouvernement tentent depuis dix jours de gérer cet élan mondial de solidarité parfois démesuré.

À l’église épiscopale du Christ, située à Coconut Grove, le berceau de la communauté bahaméenne à Miami, la première collecte a été organisée dès le 2 septembre. Les cargaisons partent désormais quotidiennement vers les îles d’Abaco et de Grand Bahama, dans le nord-ouest de l’archipel, touchées par la tempête qui a fait au moins 50 morts.

Mais « certains dons sont inutilisables », explique à l’AFP le père Jonathan Archer, citant « des vêtements sales et tachés, des boîtes de conserve dont la date était dépassée ».

« Il y a d’autres dons que nous enverrons plus tard, comme le matériel électrique », ajoute-t-il. Les deux îles sont en effet privées de courant depuis la catastrophe.

L’arrivée massive de volontaires d’organisations internationales d’aide humanitaire ou caritative, sans compter les médias internationaux, a aussi rapidement semé la confusion à l’aéroport de Nassau.  

Les rotations d’avions légers et d’hélicoptères vers les deux îles, très difficiles d’accès en raison des débris sur les pistes, ont créé un embouteillage dans le ciel. Le 5 septembre, les autorités ont interdit tous les décollages pendant plusieurs heures pour réguler le trafic.

Bouchons dans le ciel

« Les trois aéroports bahaméens sont tellement encombrés par les vols privés qu’ils ralentissent l’arrivée d’une aide dont les gens ont désespérément besoin », notait deux jours plus tard l’Association américaine des propriétaires d’avions et des pilotes (APAO). « N’y allez pas, faites des dons aux organisations caritatives », disait-elle aux pilotes.  

Le célèbre chef hispano-américain Jose Andres, dont l’organisation World Central Kitchen distribue des repas chauds aux victimes de l’ouragan, fait passer le même message.

« Beaucoup de gens veulent aider, mais l’argent est le meilleur moyen, à travers les ONG sérieuses », dit-il à l’AFP.

Il se rappelle avoir vu à Porto Rico, après l’ouragan Irma en 2017, arriver au port « des conteneurs et des conteneurs chargés d’Advil » si bien que l’île a des analgésiques « pour le prochain siècle ».

« Ces conteneurs prennent de la place sur les bateaux, dans les ports, qui pourrait être utilisée pour des choses plus importantes comme des générateurs électriques ou du matériel médical vital », ajoute-t-il.

Pour éviter les dons inutiles ou déplacés, l’Agence bahaméenne des situations d’urgence (NEMAa) a publié mercredi une liste de 36 produits prioritaires : pâtes, riz, sucre, beurre de cacahuète, couches pour bébés, lait infantile, suppléments alimentaires à boire, serviettes hygiéniques, bombes antimoustiques…

Privilégier les dons financiers

Au consulat des Bahamas à Washington, qui recueille les dons, les particuliers ont pour la plupart suivi les consignes. « Nous ne demandons plus de vêtements, mais nous prenons ceux qu’on nous donne », explique à l’AFP le consul général, Theo Neilly, qui a aussi accepté un coffret à bijoux offert par une donatrice. « On l’a pris, mais qu’est-ce qu’on va en faire ? » dit-il.

« Nous sommes reconnaissants du soutien » des Américains, souligne-t-il en montrant cartons de sacs-poubelle, de détergent ou de matériel médical qui s’amassent dans les bureaux.

Selon M. Neilly, 40 000 personnes ont encore besoin d’aide humanitaire et les dégâts se montent à 7 milliards de dollars.

Concernant les dons financiers, le diplomate renvoie aux comptes en banque ouverts spécialement par le gouvernement, ou aux ONG « sérieuses et fiables ». Il recommande d’éviter les cagnottes douteuses sur les sites de financement participatif.

Pour le chef de la mission d’urgence du Secours populaire français aux Bahamas, « un don financier même minime et plus important est plus efficace » qu’une collecte de produits qui coûtent cher à transporter depuis le Vieux Continent.

« Il faut tout reconstruire et pour cela il faut s’organiser et collecter un maximum d’argent », explique à l’AFP Christian Lampin depuis Nassau.

L’ONG a ainsi acheté des paquets de couches chez un grossiste de la capitale des Bahamas pour un orphelinat accueillant des enfants évacués d’Abaco. Le Secours populaire va aussi s’appuyer sur des partenaires locaux pour des projets précis de reconstruction « et les donateurs sauront ce qu’on fait de leur argent », dit-il.