Pour resserrer l'embargo américain au pays de Fidel Castro, l'administration Trump pourrait dès samedi activer une clause commerciale jamais utilisée par ses prédécesseurs. Et elle pourrait avoir un impact majeur au Canada.

Le mois dernier, le département d'État américain a ouvert la porte à d'importantes représailles contre Cuba et ses partenaires commerciaux.

« Pour nous, c'est un signal très sérieux », dit Josefina Vidal, ambassadrice de Cuba au Canada, en entrevue à ses bureaux d'Ottawa.

Si l'administration Trump va de l'avant, son action produira une onde de choc en politique internationale. Et une avalanche de poursuites judiciaires.

Pour le moment, la loi américaine Helms-Burton autorise de telles poursuites. Elle s'applique à ceux qui font des affaires avec des sociétés cubaines nationalisées après la révolution de 1959.

La disposition qui le permet s'appelle titre III, ou chapitre 3. Mais elle a été désactivée tous les six mois, depuis l'adoption de la loi en 1996, pour ne pas froisser des alliés. Le Canada, par exemple, est le quatrième partenaire commercial de Cuba.

Les choses changent

Depuis le début de l'année, les choses ont toutefois changé.

L'administration Trump a réduit la durée de cette suspension à 45 jours, à partir du 1er février dernier. D'ici là, on souhaite « procéder à un examen attentif » de la situation.

L'embargo américain est en vigueur depuis 1962. À la fois économique, commercial et financier, il vise à asphyxier le régime cubain.

Le mois dernier, le président Trump a été très clair. « Les jours du communisme sont comptés au Venezuela, mais aussi au Nicaragua et à Cuba », a-t-il dit.

En activant cette disposition, son administration porterait un dur coup à l'île caribéenne. Cette puissante mesure de rétorsion multiplierait les effets de l'embargo.

Elle s'adresserait aux exilés cubains et aux citoyens américains. Elle leur permettrait de poursuivre des personnes et des sociétés de partout dans le monde devant des tribunaux aux États-Unis.

Le but ? Leur réclamer des sommes faramineuses sur les gains qu'ils ont réalisés pour avoir fait du « trafic de biens confisqués » et avoir été « complice de cette dictature ».

Cela pourrait entraîner des milliers de réclamations s'élevant à des milliards de dollars, estiment divers organismes, dont la Brookings Institution.

Mesures extraterritoriales

L'ambassadrice Josefina Vidal s'élève contre l'attitude des États-Unis.

« [Les États-Unis] ne peuvent pas poursuivre devant leurs tribunaux des sociétés ou des investisseurs des autres pays, comme le Canada, parce qu'ils font affaire avec Cuba. Ça viole toutes les règles et tous les principes du droit international. C'est une application extraterritoriale des lois américaines. »

Elle rappelle qu'en 1996, l'adoption de la loi Helms-Burton ne s'était pas faite sans heurt. Le Canada et l'Union européenne avaient menacé les États-Unis d'aller présenter leurs positions devant l'Organisation mondiale du commerce.

« Cela a eu de l'influence, dit-elle. Cela avait convaincu le président Clinton de suspendre l'activation du titre III, comme la loi le permet. »

Mais, ajoute-t-elle, Donald Trump est en train de changer les règles du commerce international. Il négocie de nouveaux accords, il impose des tarifs et il applique des sanctions à de nombreux pays.

« Maintenant, il me semble déterminé à aller plus loin dans la confrontation avec Cuba, constate la diplomate. Mais ça ne va pas seulement poser des obstacles à la normalisation de nos relations avec les États-Unis, amorcée avec le président Obama. Ça va créer beaucoup de problèmes avec d'autres pays. » 

Selon Mme Vidal, les pressions américaines surviennent alors que Cuba cherche à dynamiser son économie.

Le pays vient de se doter d'une nouvelle constitution. Elle réaffirme le caractère irrévocable du socialisme et la place d'un parti unique (Parti communiste de Cuba). Mais elle reconnaît le marché, la propriété privée et les investissements étrangers.

« Nous avons des plans pour développer l'économie cubaine, dit l'ambassadrice. Et on invite les investisseurs à venir à Cuba, comme on dit en anglais, in a big way ! »