Le président haïtien Jovenel Moïse est sorti jeudi soir de son silence, après une semaine de manifestations violentes pour réclamer sa démission, qui ont poussé les États-Unis à rappeler leurs diplomates non essentiels.

«Je ne laisserai pas le pays aux mains des gangs armés et des trafiquants de drogue», a déclaré le chef de l'État,  par le biais d'une allocution pré-enregistrée diffusée sur la télévision publique TNH.

Le président s'est exprimé en créole au lendemain d'affrontements violents entre forces de l'ordre et manifestants dans le centre de la capitale Port-au-Prince.

Dans le même temps, le département d'État américain a annoncé le rappel de ses diplomates non essentiels et de leurs familles installés en Haïti. Il a aussi exhorté les Américains à ne pas se rendre dans ce pays.

Jeudi, le Canada avait fermé son ambassade pour une durée indéterminée. Une centaine de touristes québécois restaient dans leur hôtel en bord de mer, faute de sécurité suffisante pour rejoindre l'aéroport de Port-au-Prince.

À l'issue du discours présidentiel, des tirs sporadiques ont résonné à travers différents quartiers de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, alors que des barricades enflammées étaient à nouveau dressées sur certaines rues principales, selon les témoignages de riverains.

Depuis le 7 février, au moins sept personnes ont été tuées en marge des manifestations, dont les débordements ont causé d'importants dégâts matériels, principalement dans la capitale. L'activité économique du pays a été ralentie par les nombreuses barricades dressées au travers des grands axes de circulation.

«Catastrophes et désordres»

Si l'ensemble de l'exécutif était resté muet depuis une semaine, la colère populaire se cristallise autour de la personne de Jovenel Moïse.

Au pouvoir depuis deux ans, il rejette à ce stade toute démission ainsi que toute idée de céder le pouvoir à un régime de transition.

«Nous avons déjà connu une série de gouvernements de transition qui ont donné un paquet de catastrophes et de désordres», a déclaré le président haïtien.

Appelant ses opposants au dialogue pour trouver une issue à la crise, il a assuré qu'un «paquet de mesures a été pris par le gouvernement : j'ai demandé au premier ministre de venir les expliquer et les appliquer rapidement pour soulager notre misère».

Le mécontentement populaire a été exacerbé par la publication fin janvier d'un rapport de la Cour supérieure des comptes sur la gestion calamiteuse et les possibles détournements de près de deux milliards de dollars du fonds Petrocaribe, un programme d'aide offert à Haïti par le Venezuela depuis 2008.

Une quinzaine d'anciens ministres et hauts fonctionnaires ont été épinglés. De même qu'une entreprise dirigée à l'époque par Jovenel Moïse, identifiée comme bénéficiaire de fonds pour un projet de construction d'une route dont le contrat n'a pas été retrouvé par les juges ayant réalisé l'audit.

L'organisation non gouvernementale Transparency International classe le pays à la 161e place sur 180 en matière de corruption.

Haïti est le pays le plus pauvre du continent américain, avec 60 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté.

Plus de la moitié de la population a moins de 25 ans, mais cette jeunesse, absente des cercles du pouvoir et du marché de l'emploi formel, est obligée de vivre d'expédients ou de tenter d'émigrer.

AFP

Jovenel Moïse