Un vent d'espoir souffle sur les homosexuels et les transsexuels de Cuba, dont les revendications pourraient trouver un écho favorable auprès du nouveau président Miguel Diaz-Canel qui a déjà démontré son ouverture sur des thèmes longtemps tabous dans ce pays communiste.

Le successeur des frères Castro, garant en tant que tel de la révolution socialiste, a été couvé dans la rigueur du Parti communiste de Cuba (PCC, unique) avant de se révéler au monde entier voici un mois en accédant au poste suprême.

Mais à Cuba, cet homme de 58 ans est aussi connu pour avoir donné des gages aux minorités sexuelles à l'époque où il était un cadre provincial du parti unique.

«Il a démontré une sensibilité sur ces sujets lorsqu'il dirigeait le parti» dans la province de Villa Clara, rappelle à l'AFP Francisco Rodriguez, un journaliste, militant communiste et activiste gay très en vue sur l'île.

M. Diaz-Canel «a beaucoup soutenu l'activité du Centre culturel El Mejunje, un lieu de diversité et de rencontre de personnes ayant du mal à s'intégrer socialement», poursuit celui qu'on surnomme «Paquito». Dans les années 1990, ce lieu était le seul à présenter des spectacles de travestis.

Dans la foulée de la révolution castriste, les minorités sexuelles étaient stigmatisées, et les homosexuels harcelés, voire envoyés en camps de «rééducation». S'appliquait alors une politique de marginalisation vouée à les exclure de tout emploi public.

Plusieurs décennies plus tard, l'horizon s'est dégagé et en 2010, Fidel Castro - pourtant peu habitué à verser dans l'autocritique - a reconnu les «injustices» faites aux homosexuels qui provoquèrent l'exil forcé de nombreux intellectuels et artistes dans les années 1960, 1970 et 1980.

L'impulsion de Raul et Mariela

Avec l'arrivée au pouvoir en 2008 de son frère, Mariela Castro, fille de Raul Castro, fit du Centre national d'éducation sexuelle (Cenesex) un organe de lutte contre les discriminations politiques dont étaient victimes les LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) et de promotion de l'autorisation des unions entre personnes du même sexe.

Selon la députée, c'est sa mère, l'épouse de Raul Castro, Vilma Espin (morte en 2007), qui avait donné la première impulsion au changement de mentalité en sensibilisant les jeunes cadres du parti, dont à l'époque M. Diaz-Canel.

Mariela Castro raconte aujourd'hui que son père a soutenu ces démarches en coulisses. «Ce qu'il a fait en tant que premier secrétaire du parti et président [...] fut de conduire prudemment ces processus pour parvenir au consensus».

M. Diaz-Canel «a milité au sein de l'Union des jeunes communistes (UJC) et parmi les taches qui lui étaient assignées, il devait prendre soin du Cenesex», a récemment expliqué la fille de l'ex-président devant la presse en lançant la 11e campagne contre l'homophobie et la transphobie, qui prend fin le 17 mai.

À quand l'union gay ?

Ces dernières années, des avancées notables ont été constatées à Cuba, avec l'ouverture de l'armée aux homosexuels ou la gratuité des opérations de changement de sexe. Puis, en 2012, fut élue la première conseillère municipale transsexuelle, à Caibairen, dans la province de... Villa Clara.

Mais, si le PCC interdit désormais les discriminations sexuelles, l'union civile entre personnes du même sexe demeure interdite sur une île où le catholicisme est pourtant moins ancré qu'ailleurs en Amérique latine.

Selon «Paquito», le nouveau chef de l'État «pourrait être le premier président cubain à s'adresser directement aux homosexuels, lesbiennes, bisexuels et transsexuels et à marquer nos identités dans ses discours».

Le 14 mai, il n'est pas apparu aux côtés de Mariela Castro dans le défilé annuel contre l'homophobie, mais ses enfants musiciens Jenny et Miguel y étaient, closant l'évènement avec leur groupe DECUBA.

Avant d'envisager une reconnaissance légale de l'union civile, la principale revendication des LGBT, la Constitution de 1976 doit être modifiée.

«Cela a été abordé très précisément et profondément au cours de la dernière réunion plénière du comité central du parti, donc nous avançons», explique Mariela Castro.

«Il ne s'agit pas seulement de sexe et de divertissement, nous avons le droit de fonder une famille», dit à l'AFP Alex Duchel, un employé dans la restauration de 37 ans ayant participé à la marche du 14 mai.

De son côté, Julio Cesar Gonzalez, qui milite pour les droits de la communauté LGBT, «espère que dans quatre ou cinq ans beaucoup de droits que nous réclamons seront accordés».