Un juge pakistanais qui avait ouvertement critiqué en juillet l'ingérence des services secrets militaires dans les dernières élections législatives a été révoqué, a annoncé jeudi le ministère de la Justice.

Shaukat Aziz Siddiqui, qui officiait à la Haute cour d'Islamabad, « a été démis de ses fonctions avec effet immédiat », peut-on lire dans un avis du ministère dont l'AFP a eu copie.

Quelques heures plus tôt, le Conseil judiciaire suprême, la plus haute instance de la magistrature pakistanaise, avait déclaré le juge Siddiqui « coupable de mauvaise conduite » pour son comportement « indigne » dans un discours qu'il avait prononcé en juillet devant d'autres avocats.

L'ISI-Inter services intelligence, les services secrets militaires- « est complètement impliquée dans la manipulation du processus judiciaire. Les gens de l'ISI choisissent les (juges) dans les tribunaux », avait-il déclaré à des avocats à Rawalpindi, ville-garnison accolée à Islamabad.

« Des gens de l'ISI ont approché mon responsable et ont dit : "Nous ne laisserons pas Nawaz Sharif et sa fille sortir avant les élections" », avait-il ajouté le 21 juillet, quatre jours avant les législatives.

Nawaz Sharif et sa fille Maryam ont été condamnés respectivement à 10 et sept ans pour une affaire controversée de corruption et emprisonnés douze jours avant le scrutin.

L'ex-premier ministre n'a eu de cesse d'accuser la puissante armée pakistanaise, secondée par la justice, d'avoir orchestré sa chute afin de l'évincer du pouvoir et le remplacer par Imran Khan, l'actuel chef du gouvernement. Il a été remis en liberté mi-septembre, dans l'attente d'une procédure en appel.

De nombreux observateurs ont qualifié la campagne de « plus sale » de l'histoire du pays, du fait d'interférences multiples de l'armée.

Le juge Siddiqui avait également accusé mi-juillet dans une décision écrite l'ISI et la police de participer à des enlèvements et de « recevoir leur part de l'argent du crime ».

Les disparitions forcées sont fréquentes au Pakistan, particulièrement dans ses zones tribales, près de la frontière afghane (Nord-Ouest) ou au Baloutchistan (Sud-Ouest).

Ces dernières décennies, les principales villes, comme Karachi, Lahore et Islamabad, ont également été touchées. Des journalistes et autres militants critiques de l'État et de l'armée ont été ciblés, même si cette dernière nie toute implication.

Une commission d'enquête sur les disparitions forcées a reçu 868 nouveaux dossiers en 2017, affirme la Commission des droits de l'homme pakistanaise (HRCP).