Une centaine d'étudiants ont été blessés samedi au Bangladesh dans des heurts avec la police, qui a tiré des balles en caoutchouc en direction de manifestants  protestant contre l'insécurité routière, selon un médecin et des témoins.

Des milliers d'adolescents bangladais réclamant une meilleure sécurité routière ont bloqué une partie de la capitale Dacca pour le septième jour consécutif, samedi, après la mort de deux adolescents percutés par un bus qui roulait trop vite.

Les manifestations ont dégénéré dans le quartier de Jigatala, dans le sud-ouest de Dacca.

Selon des témoins, la police a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes en direction des manifestants, et des milices pro-gouvernementales ont aussi attaqué les manifestants, y compris des personnes fuyant vers les hôpitaux voisins pour y recevoir des soins.

La police a nié avoir tiré des balles de caoutchouc ou des gaz lacrymogènes en direction des manifestants.

«Ce n'est pas vrai. Il ne s'est rien passé à Jigatala», a déclaré à l'AFP un porte-parole de la police, Masudur Rahman.

Le personnel hospitalier a fait cependant état de dizaines de blessés, dont certains grièvement.

«Jusqu'à présent, nous avons pris en charge plus de 115 étudiants blessés cet après-midi», a indiqué à l'AFP le médecin urgentiste Abdus Shabbir, précisant que certains d'entre eux présentaient des traces de blessures par balle en caoutchouc.

«Certains étaient en très mauvais état», a-t-il souligné.

Un manifestant a indiqué que les étudiants manifestaient paisiblement sur la route lorsqu'ils ont été attaqués.

«Nous nous sentons tous en danger, ici. Nous voulions une manifestation pacifique. Nous ne voulons pas de problèmes. Pourtant, des balles de caoutchouc ont été tirées sur nos frères», a raconté un étudiant, Sabbir Hossain.

Le ministre des transports Obaidul Quader a rejeté des accusations selon lesquelles des membres du parti au pouvoir ont attaqué les étudiants.

Selon lui, un bureau du parti à proximité de Jigalata a été vandalisé par des jeunes habillés d'uniformes scolaires peu avant que la manifestation ne dégénère.

Un photographe de l'AFP sur place a assisté à une rixe, faisant plusieurs blessés, entre des étudiants et des jeunes hommes non identifiés, qui se sont affrontés à coups de bâtons et de pierres.

Mécontentement grandissant

Le gouvernement du Premier ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis 2009, fait face depuis plusieurs mois à d'importantes manifestations de citoyens réclamant la fin du système de recrutement du service public, vieux de plusieurs décennies et jugé discriminatoire.

Par crainte que le mouvement étudiant ne se mue en manifestations antigouvernementales en amont des élections législatives prévues plus tard dans l'année, plusieurs ministres influents ont enjoint les étudiants de retourner en classe, sans succès.

Dès samedi matin, ils étaient des milliers de jeunes, vêtus d'uniformes scolaires, à défier la pluie pour bloquer les principales intersections de la capitale.

Des adolescents parfois âgés de 13 ans ont été vus sur les routes fréquentées de Dacca en train de vérifier si les conducteurs de bus et de voitures avaient des permis en règle et si les véhicules étaient en état de circuler.

«Nous ne nous arrêterons pas tant que nos demandes ne seront pas satisfaites. Nous voulons des routes sûres et des conducteurs prudents», expliquait un manifestant, Al Miran.

La colère de ces jeunes a explosé après la mort, le week-end dernier, d'une fille et d'un garçon, renversés par un bus qui roulait à vitesse excessive.

Un commentaire jugé maladroit du ministre des Transports Shajahan Khan a également jeté de l'huile sur le feu. Ce dernier s'interrogeait sur l'absence de réaction de ces manifestants après la mort de 33 personnes disparues quelques jours plus tôt dans un accident de bus indien, alors qu'ils étaient des milliers à déferler dans les rues pour les deux adolescents tués.

De nombreux protestataires ont réclamé sa démission, malgré ses excuses ultérieures.

Au Bangladesh, le secteur des transports est largement considéré comme corrompu, non réglementé et dangereux. La nouvelle de la mort des deux jeunes, qui s'est rapidement répandue sur les réseaux sociaux, a provoqué une colère générale.

Face au blocage, le ministère de l'Éducation avait fermé les lycées jeudi, espérant apaiser les troubles, et promis aux adolescents de prendre en compte leurs requêtes sur la sécurité routière.