La tâche qui attend l'ex-champion de cricket Imran Khan à la tête du Pakistan après sa victoire aux législatives s'annonce ardue avec une économie dans le rouge et plusieurs conflits épineux à ses frontières.

Relativement inexpérimenté, le nouvel homme fort du pays est appelé à gouverner une puissance nucléaire de 207 millions d'habitants dès qu'il aura réussi à mettre sur pied une coalition.

Alors que ses détracteurs affirment que son étoile a pâli en raison de nombreuses accusations d'interférence de l'armée en sa faveur et de fraudes, les premiers défis ne se feront pas attendre.

Démagogue ou démocrate ?

En deux décennies de politique, Imran Khan a généralement endossé le rôle d'agitateur populiste promettant des réformes, négligeant l'art complexe de faire voter des lois.

«Imran Khan a été son propre maître. Il ne se rend même pas au Parlement», souligne le commentateur politique Fasi Zaka. «Il s'est entraîné à la protestation pendant cinq ans».

Son parti, le PTI, n'a gouverné que dans la province Khyber Pakhtunkhwa et pendant une seule législature de cinq ans. La transition vers le niveau national pourrait donc être délicate.

Il a en outre suscité un certain malaise en reprenant à son compte certaines thèses jusqu'ici réservées aux islamistes durs comme la défense de la loi sur le blasphème.

Les relations avec l'armée

M. Khan est fréquemment dépeint comme une marionnette de l'armée, qui n'aurait pas ménagé sa peine pour faciliter sa victoire.

Ironiquement, Nawaz Sharif, premier ministre de 2013 à 2017 et qui affirme que l'armée a conspiré pour le faire chuter, a lui aussi un temps été vu comme proche des généraux, avant de tomber en disgrâce. Il est aujourd'hui inéligible et emprisonné pour corruption.

Les relations à plus long terme entre M. Khan et l'armée pourraient connaître le même sort, remarquent les observateurs.

«Lorsqu'il tentera d'exercer le pouvoir, cela conviendra-t-il à l'armée ou y aura-t-il un conflit ?», s'interroge l'analyste et général à la retraite Talat Masood.

L'économie

Tous les indicateurs économiques suggèrent que M. Khan pourrait être contraint de frapper très rapidement à la porte du FMI pour solliciter un emprunt.

La banque centrale a été contrainte ces derniers mois de puiser dans ses réserves de devises et de dévaluer à plusieurs reprises la roupie, pour combler un déficit commercial en pleine expansion.

«Il faut qu'il aille» au FMI, estime l'analyste Ayesha Siddiqa.

Mais un tel recours pourrait contrarier son objectif de faire du pays un «État-providence islamique».

L'alternative serait de solliciter son allié chinois.

La corruption

L'objectif initial d'Imran Khan en politique était d'enrayer une corruption endémique et chasser du pouvoir une élite politique vénale.

Mais il a prêté le flanc à la critique lors des élections en recrutant dans les rangs de son parti des hommes politiques de réputation douteuse afin de profiter de leurs réserves locales de voix.

Le PTI s'est aussi engagé à convaincre les Pakistanais de payer des impôts sur le revenu, ce que seul environ 1% de la population fait.

«Les gens ne payent pas leurs impôts, car ils voient comment notre élite au pouvoir dépense cet argent», a-t-il déclaré après sa victoire. «Je protégerai l'argent des contribuables».

Les relations internationales

Trop dépendant de Pékin, le Pakistan compte aussi de nombreux ennemis sur son propre sol, tandis que sa relation avec les États-Unis s'est dégradée, selon les analystes.

M. Khan s'est déjà engagé à rééquilibrer cette dernière. Washington accuse Islamabad de laxisme dans sa lutte contre le terrorisme islamiste.

Mais pour Sehar Tariq, expert du US Institute of Peace, «la voie vers de meilleures relations [entre les deux pays] [...] passe par l'Afghanistan».

Or, M. Khan a critiqué dans le passé les relations américano-pakistanaises et plaidé pour une frontière ouverte avec l'Afghanistan. L'armée pakistanaise s'efforce au contraire de la sceller en y construisant une barrière.

Il a aussi émis le souhait d'améliorer les relations commerciales avec l'Inde et de discuter de l'épineux conflit du Cachemire. Il a enfin cité la Chine comme exemple de développement réussi.