Une poignée de main sur fond de drapeaux, une cérémonie solennelle de signatures, des tapes dans le dos: pour nombre d'analystes, Donald Trump a donné une forme de légitimité à Kim Jong-un sur la scène internationale.

La Corée du Nord attend depuis des dizaines d'années cette séance photo.

Et pendant près d'une journée, M. Trump a traité en égal un homme accusé il y a quelques mois à peine de mener la planète au bord de l'apocalypse nucléaire et dont le régime est tenu pour responsable d'abus généralisés des droits de l'Homme.

«La mise en scène de ce sommet (...) ressemble en tous points à celle d'une rencontre entre deux États souverains avec des relations diplomatiques normales», commente l'analyste spécialiste des questions de sécurité Ankit Panda.

«L'effet de légitimation pour le régime de Corée du Nord est indéniable», ajoute-t-il.

«Un homme très talentueux»

En 2017, MM. Kim et Trump échangeaient des insultes personnelles - «gâteux» contre «homme fusée» - et se vantaient de la taille de leur bouton nucléaire.

Mais dans le luxueux décor d'un hôtel de Singapour, les deux hommes ont semblé parfois guillerets. Ils ont fait quelques pas dans un jardin; le président américain a permis au Nord-Coréen de jeter un oeil dans «The Beast», sa voiture blindée.

M. Trump a parfois donné l'impression de se mettre en quatre pour couvrir le jeune dirigeant de compliments.

«J'ai appris que c'était un homme très talentueux. J'ai également appris qu'il aimait beaucoup son pays», a-t-il lancé, saluant un homme «très intelligent».

Contraste on ne peut plus saisissant avec le sommet du G7, organisé quelques jours auparavant et durant lequel le locataire de la Maison-Blanche s'est retrouvé isolé parmi ses alliés traditionnels sur des sujets de commerce international.

«Quelque chose d'important vient de se produire, qu'on ne pourra jamais oublier», jauge Adam Mount, spécialiste de la Federation of American Scientists.

Pour certains observateurs cependant, l'intronisation de M. Kim sur la scène internationale revêt des aspects positifs et est préférable à un régime isolé qui menace la paix mondiale.

Il vaut mieux parler

Il y a peu, la Corée du Nord jouait avec les nerfs de la planète avec ses essais nucléaires et ses tirs de missiles et de nombreux commentateurs estiment que des discussions et un accord, si faible soit-il, valent mieux que des échanges de noms d'oiseaux, voire pire.

«Nous commençons à voir la Corée du Nord sous l'angle de l'opportunité plutôt que de la menace, et en soit c'est un changement historique», souligne John Delury, professeur à l'Université Yonsei de Séoul, favorable de longue date à une forme de dialogue avec Pyongyang.

«Cela encourage KJU à faire son entrée dans le monde pour dialoguer et faire la paix».

Ses sorties dans l'arène mondiale se comptent sur les doigts d'une main. Cette fois-ci, le dirigeant nord-coréen a poursuivi ses efforts pour offrir au monde une image sympathique, se livrant à une promenade nocturne sans précédent dans les hauts lieux de Singapour. À cette occasion, il est apparu dans un égoportrait avec le chef de la diplomatie singapourienne, le premier cliché du genre.

En Corée du Nord, le journal Rodong Sinmun a publié pas moins de 14 photographies en une de sa visite sur la terrasse du «Marina Bay Sands», l'immeuble le plus emblématique de Singapour, en forme de bateau posé sur trois tours.

Il était également à la une de toute la presse internationale, ce qui fait dire à Jeffrey Lewis, spécialiste du contrôle des armements, sur Twitter: «j'ai peut-être été un peu agacé par la couverture enthousiaste de ce qui n'est au fond, qu'un épisode de télé-réalité».